Monday, September 03, 2007

L'aube le soir ou la nuit Yasmina Reza


Pas assez aiguë, trop négatif, très humain, trop acerbe : globalement, les anti-sarkozystes auront trouvé leur compte autant que les pro. Côté presse, Le Monde savoure ligne par ligne, le Figaro souligne que des "propos inédits confirment le flair politique de Sarkozy", Libé titre au gâchis et Les Inrockuptibles à l'arnaque : tout le monde est content. Les critiques enseignent beaucoup sur eux-mêmes et peu sur l'objet critiqué.
On peut lire L'aube... comme une oeuvre d'écrivain : n'importe quel homme politique en course pour la présidentielle, dans l'intimité de sa campagne, jure, s'énerve, s'emporte, dérape, balance des banalités, jette des fulgurances, est visionnaire, rétrograde, rieur, touchant, fragile, intouchable... En fait, n'importe qui, sur un an, est tout cela. Et l'intimité rend toujours sympathique au final. Dans l'enjeu de l'élection suprême, tout est juste exacerbé. L'enjeu du livre, lui, n'est donc pas là. Sarko ou pas, en fait on s'en fout.
L'auteur "contemple" un homme qui lui échappe : la politique, elle n'y connaît rien, la course au pouvoir lui est étrangère, ses collègues littéraires la mettent en garde alors qu'elle-même ne sait pas trop ce qu'elle veut faire de ce projet. L'enjeu est de cerner un homme, comme n'importe quel autre homme, un homme qui échappe d'emblée aux repères de l'auteur.
L'écrivain s'interroge alors : où sont ces repères ? Comment les débusquer dans ce foisonnement de faux semblants, de phrases toutes faites, de clichés, de calculs ? Où est le vrai, où est ce qui les rapproche, elle et lui ? En tant que lecteur, ce que l'on observe n'est pas un portrait politique mais un portrait d'écrivain à sa table. Dans ce journal entomologique, on contemple un auteur en train de contempler. C'est bien elle qu'on regarde s'accrocher aux moindres points communs, relever toutes les divergences de goût, s'agacer ou s'attendrir parce qu'enfin il lui semble qu'elle tient quelque chose, une piste qu'elle maîtrise un peu mieux. C'est pour elle qu'on vibre, elle qu'on veut voir l'attraper enfin. Un exercice intelligent, qui s'élève bien au-delà du procès qu'on lui fait.

No comments: