Friday, December 28, 2007

A nous la fortune !



Rien à voir avec le nouveau header qui cache mal un paquet illicite, mais avec la rapide comptabilité du bilan annuel :

- Quand par chance (comme ce fut le cas aujourd'hui) je reçois une commande de 10 exemplaires des Histoires irlandaises, les frais de port s'élèvent à 5 euros (j'arrondis), soit 0,5 euro par ex ;
- j'ai tiré 500 exemplaires à 2 euros l'ex (j'arrondis encore) ;
- le tout me coûte donc 2,5 euros / livre.
- Ce type de commande vient de la Fnac, qui me prend 40 % du prix de vente public TTC, soit 2 euros. En résumé, je vends un livre 3 euros à la Fnac.

Total : je marge à 50 centimes par livre !

Combien en vendre pour en vivre ? Un max. Ceci dit, plus j'en vends, plus j'en tire en réassort, et plus le coût unitaire baisse, donc plus la marge s'accroît, donc plus je gagne des sous. Les matheux me feront donc remarquer l'exceptionnel rapport de mon calcul, et le résumeront ainsi : plus je vends de livres, plus je gagne d'argent. Certes. Mais dans le détail, c'est beaucoup plus subtil que ça :

1/ Je gagne enfin de l'argent sur chaque envoi ! Avant c'était à perte. Au regard de la chronologie nous sommes donc dans la bonne voie.
2/ Puisque la marge augmente en même temps que le nombre d'exemplaires tirés, le bénéfice s'accroît de façon exponentielle :)
On est encore loin de l'Amérique, mais c'est le moment ou jamais de dire : "2008, à nous deux !" et de se contenter de peu.

Photo : New York, par Malo

Thursday, December 27, 2007

Monsieur, Jacques Chessex

(Prononcer "Chessé") Il y a beaucoup à dire sur ce livre, mais je veux dans l'urgence retenir cet extrait :

"Lire Flaubert m'a appris à me méfier de l'exaltation ombrageuse du chantier et de la difficulté d'écrire. Puis à la rejeter carrément. Bon débarras."

PS. Prendre le temps d'y revenir.

Monday, December 24, 2007

La douceur des orages




Un nouveau texte sur le blog d'Yves Remords. A terme, un recueil aux éditions Croiser le Faire ?

"pudeur, éducation, la peur de passer pour un con : il y a des choses qu'on ne dit pas aux filles. ce qu'elles bouleversent quand elles vous regardent en souriant. leurs grands regards doux et bleus qui vous happent, absorbent, un regard en secret rien que pour vous. tout autour le monde tout à coup est en coton. vous perdez l'équilibre. vous rougissez, vous blanchissez, une fraction de seconde bascule une journée. souvent bien davantage. les jours passés s'obscurcissent doucement mais vous serrez bien fort dans votre mémoire un bouquet d'éclats brillants. la silhouette d'A. dans l'encadrement d'une porte, on l'appelle, elle se retourne : le mouvement blond de ses cheveux vous souffle. c'est tout. le lui dire ? la trouver dans son bureau et lui jeter maladroitement votre émotion au visage ? pudeur, éducation, la trouille de bafouiller et mille excuses. ce n'est pas tout, il y a des époux, des hiérarchies, toutes sortes de contrats moraux. est-ce le malaise que vous souhaitez introduire ? et vous-même, à quelle infidélité êtes-vous prêt à faire face ?
ne rien dire, c'est encore sublimer. c'est éviter de faire chuter dans le vulgaire ce qui est si beau. dire c'est dévaluer, réduire forcément, omettre. parler c'est se débattre comme un noyé dans l'explication, l'accumulation de détails qui ensevelissent le noyau essentiel. il est impossible de traduire les orages qui frappent le ventre au moment où vous saisissez le regard probablement involontaire d'O. sur vous, regard qui, peut-être un peu gêné, vous fuit. ce qui vous touche n'est même pas tant qu'elle ait pu vous regarder. c'est cette lumière, dérisoire pourtant, mais voilà, cette lumière sur sa joue dans cet instant. le grain de la peau. les joues, les cils, les yeux. rose, noir, bleu.
ne rien dire c'est laisser aussi se nouer l'entrelacs d'un dialogue intime. une compréhension tacite qui porte plus loin que les mots, parfois. un signe, un geste, une gorge qui rosit, vous vous êtes compris. c'est beau, aussi. c'est brûlant et soyeux. je sais pourtant qu'il y aurait tant à avouer. un aveu, et jouissez du bonheur de l'effet sur elle. toute l'orgueilleuse, bluffante, désarmante, insaisissable plénitude de la féminité sur son sourire vous ébranle sans que vous ne puissiez rien faire. nulle infidélité, nulle trahison pourtant. nulle morale insultée. cela aussi, ensuite, sûrement, sont des choses qu'on ne dit pas."

Photo Jehsong Baak, galerie Wanted Paris

Thursday, December 20, 2007

Fnac Boulogne

Nos lecteurs de banlieue parisienne ouest peuvent à leur tour trouver les histoires jamais entendues dans un pub en Irlande à la Fnac Boulogne Billancourt. Décidément le front ouest frappe fort.

Tuesday, December 18, 2007

Nouvelles du front


Avis à nos lecteurs bretons : les Histoires jamais entendues dans un pub en Irlande sont désormais disponibles à la librairie Le Triangle Blanc, spécialisée dans les ouvrages traitant de la Bretagne et des cultures celtes, et située au Croisic.
C'est, en parallèle, la première librairie indépendante qui accepte de les vendre (la première consultée d'ailleurs). Ca me permet d'apprendre comment vendre un livre ailleurs qu'à la Fnac. En l'occurence en dépôt et avec une remise moins forte.

Thursday, December 06, 2007

le goût de la pluie


Hier, j'ai quitté l'entreprise pour laquelle je travaillais depuis plus de 3 ans. Bon, en fait je passe d'un plein temps ad vitam à un mi-temps temporaire. Mais l'essentiel ne change pas : le processus de rupture est enclenché. Je quitte cette entreprise.
J'en pars pour écrire un nouveau roman, débuté en juin 2006 et que je n'ai pas touché depuis octobre de l'an dernier. Pour publier de nouvelles histoires jamais entendues quelque part ailleurs dans le monde, notamment à Tokyo. Pour développer les ventes des premières histoires, les irlandaises, les distribuer dans plus de Fnac, les Virgin, les Cultura, les pubs de Paris et tout réseau qui en voudra bien. Pour entrer en contact avec les associations de maisons d'édition indépendantes. Pour refaire le site des éditions CLF. Pour envoyer les livres aux journalistes. Je pars pour préparer la St Patrick, la fête nationale irlandaise, le 17 mars. Pour lire beaucoup aussi, bref : pour faire vivre notre maison d'édition. Libre et pauvre, je ne pourrai bientôt plus compter que sur moi-même, mais la pauvreté est une saine motivation.
Aujourd'hui il pleut. C'est comme si je m'étais débarrassé de couches superficielles : pour la première fois depuis longtemps j'ai eu le sentiment d'être à nouveau atteint par la pluie, atteint physiquement. D'être en quelque sorte dans le camp de l'eau contre les toits, les parapluies, les heures de pointe, les RTT. Le sentiment de redécouvrir le son, la texture et le goût de l'eau.

Photo : La Vitrine des choses : Le Nord, par Cédric Delsaux, galerie Wanted Paris

Saturday, December 01, 2007

300

C'est le nombre d'exemplaires que les éditions Croiser le Faire avaient tiré pour la première édition des Histoires jamais entendues dans un pub en Irlande.
Sur ces 300, les 6 derniers viennent juste d'être envoyés à la SFL qui gère les commandes de la Fnac, en ligne et pour les magasins.
Nous sommes donc aujourd'hui en rupture de stock.
Bien entendu, un retirage est en cours, mais quelle jolie victoire pour notre petite maison ! Une belle étape de franchie.
La seconde édition sera de 500. Les coups de fabrication sont réduits, le coût unitaire aussi. La marge augmente donc. En franchissant les 500 ex, le livre devient éligible sur Electre. La maison qui l'édite aussi. Tout ça va dans le bon sens. Merci, merci à tous.

A part ça, je poursuis la lecture de Monsieur Chessex, parlons-en bientôt.

Monday, November 26, 2007

nuque 'em all

Un nouveau post chez Yves Remords.

"une mèche sur une nuque, c’est quand même beaucoup plus émouvant qu’une paire de seins. quand je le lui dis elle ne me croit pas, me traite de faux jeton. et pourtant.
c'est tellement délicat. c'est tellement sensuel. ta mèche, elle bouleverse mes sens, le bide en champ de bataille. ses reflets noirs trahissent la grâce, il faudra bien que tu t'y fasses. cette mèche là-bas érige des trucs ici bas. fais pas l'innocente.
il y a cette mèche qui perle sur ta joue à la naissance du cou. par pitié ne fais pas attention à moi. continue à regarder celui à qui tu parles. pendant ce temps, moi, je peux contempler ta mèche, ta joue, ton cou. lui, pas. j'engloutis ce privilège avec une suavité féroce, la babine salive. quelque chose de violent hurle "à moi". tectonique dévastatrice de la fragilité.
et puis je sens cette petite bulle acidulée qui monte dans ma gorge, se coince, et gargouille. dans ma tête tout vibre et pétille quand j'aperçois ta jolie mèche. elle est là pour moi.
le vrai plaisir, c'est de vouloir tendre la main, pincer tes cheveux entre mes doigts et les lover derrière ton oreille. le vrai plaisir, c'est d'avoir envie de frôler la peau de ta joue à la naissance du cou, là où ça frissonne, tandis que je roule la mèche à ton oreille. le vrai plaisir, c'est de regarder ton profil et les cheveux qui lèchent ta joue. et ne rien faire.
je voudrais tant que tu ne la sentes pas quand elle boucle sur ta nuque et l'effleure. cette petite caresse ne te dérange pas, je voudrais qu'elle te détende sans que tu t'en aperçoives jamais. tu lui dois beaucoup et tu ne le sauras pas. je lui dois beaucoup aussi mais moi je le sais. tes cheveux et moi sommes complices.
toute la vulgarité du monde s'efface. une simple mèche et tout s'apaise. tout est délicatesse. une mèche, je n'en demande pas plus pour retrouver le goût des choses. tout peut se broyer, s'effondrer, s'affronter, perdre ou gagner, tout peut lutter, vindictes assassines et cynismes justiciers, l'horreur acide ou la banalité crasseuse, le bien, le mal, les imbéciles et les crétins, moi j'ai vu glisser de ta joue vers ton cou toute la beauté du monde."

A part ça, je lis Monsieur, de Jacques Chessex, eh bien quelle claque mes amis.

Wednesday, November 14, 2007

La vie est ainsi fête, Gérard Oberlé


Avec Quignard, Chessex et quelques autres, Oberlé fait partie des écrivains que j'achète systématiquement, à la rentrée. Je l'ai découvert grâce à la newsletter de Lire, où sa chronique épistolaire à sa filleule Emilie sort du lot. La photo qui l'accompagne, un crâne rasé, regard haut, bravant la fumée chère d'un cigare, me fait plus marrer que les lunettes de travers de Beigbeder : au moins le personnage assume quelque chose. Le style d'Oberlé goulaye, c'est le moins qu'on puisse dire. C'est rond, baroque, un mélange de propos très directs et de tournures volutées. Une déférence surannée, respectueuse de ses lecteurs, pour mieux ne s'encombrer d'aucun détour. Oberlé roule en calèche sur l'autoroute. Ca sent la vie marinée dans la chair. Le résultat sonne.
Dans Itinéraire spiritueux, son précédent ouvrage, il s'en donnait à coeur joie : la nourriture et le vin offrent un champ lexical parfait pour ce type d'écriture. Il est plus que jamais question de mots de bouche, et la ripaille façon Oberlé se savoure sauce grand veneur. J'avais feuilleté un roman, pour voir. Les premières phrases ne m'avaient pas convaincu, mais je n'ai pas jeté l'éponge pour autant : la rentrée 2007 allait m'offrir un nouveau texte. Dont acte : La vie est ainsi fête.
Las ! Ca flaire vite l'arnaque. La photo de couv exploite sournoisement le crâne chauve et le cigare, ça commence à faire marketing, ça ne ressemble plus à la fronde indépendante de l'auteur. Une page suffit pour comprendre que le texte n'est en fait qu'un recueil de chroniques écrites depuis longtemps pour une émission de radio musicale, des historiettes sur les musiciens oubliés, méconnus, le lot commun des petits soldats oubliés du Panthéon musical. Une belle idée, mais le texte n'est pas original. Une compil, en somme. Déçu, je suis déçu.
Le livre traîne sur ma table de nuit. Une chronique par-ci, par là, avant d'éteindre, ça ne coûte rien. Et puis peu à peu la magie opère. Chaque chronique trace une vie, et la vie narrée par Oberlé est un régal. Une perle humaine, agaçante mais vive, émergée des limbes du temps qui passe. Il y est question de poisse, des riens qui flanquent un destin par terre quand tout semblait écrit, il y est question des petites histoires qui font la grande. Il y est question de nous. Nous qui ne sommes pas Mozart ni Beethoven, quelqu'un comme Oberlé nous écoute pourtant. Avec une distance amusée qui n'est qu'affection, compassion, amour finalement. Oberlé est des nôtres, grâce à lui chaque musicien entre dans l'Histoire, et au-delà, chaque être humain aussi. Merci à lui.

Tuesday, November 06, 2007

La mort de l'aventurier

Celui qui servit de prétexte au premier livre que j'ai écrit est décédé.
Un SMS discret d'un ami, puis un coup de téléphone résigné de sa fille. Elle ne voulait pas que je l'apprenne par la presse. La cérémonie aurait lieu le vendredi. Elle allait bien, dans l'action on n'a pas le temps de se pencher sur soi, et il y a tant à faire : la famille, les obsèques, la presse.
Il est vertigineux d'assister à la scène qu'on avait imaginée plusieurs années auparavant. J'avais écrit à propos d'un mercenaire à l'origine des grands fantasmes d'aventure d'un jeune narrateur, qui ne le rencontrerait qu'au jour de son enterrement. C'est ainsi que les choses furent faites : le héros de roman avait une vie civile ; le mercenaire une vie réelle. Il y fut question, un jour, de mourir. Nos vies ne se croisèrent pas. Elles se superposèrent en quelque sorte, car je tiens K., la fille de l'aventurier, pour ce qui se fait des amitiés les plus proches.
J'ai donc assisté à cet instant suspendu où une âme dans la maison de Dieu rejoint son initial royaume. Ce n'est pas tant la symbolique chrétienne qui m'a marqué, d'ailleurs. Insensible à une foi mystique, j'ai surtout vu les hommes qui étaient venus entourer une dernière fois leur chef de guerre. Des types qui avaient vu d'autres types braquer sur eux des armes sans équivoque, mais qui avaient eu la chance de tirer les premiers. Il devait quand même en rester quelque chose, et je scrutai en silence les regards aigus, les visages tendus, les sourires vite éteints, nuques empesées. Quand un prêtre qui fit plutôt mal son boulot céda la place à un fils qui remplit son rôle dans un respect poignant, ces types, je les vis pleurer. Ce qu'ils laissaient là, devant eux, et déjà derrière, c'était une vie, un symbole, la fin d'une époque, la leur. Voilà, c'était fini. Puisque lui était mort, c'est qu'on avait vécu.
Dehors un corbillard attendait, portant bientôt le corps vers puis dans la terre qui le vit naître. Quelques photographes aussi, dont le faible nombre attisait l'indécence. Une famille, nombreuse et éparse, mais solidaire et solide. Les militaires cravatés de vert siglé d'un signe que je devine militaire mais dont j'ignore le sens exact se groupèrent en haie d'honneur, puis autour de la voiture. Ils chantèrent, presque inaudibles, un dernier hommage. Leurs voix s'embuèrent. C'est vrai qu'il faisait un froid de défaite. Sous les chants de ses compagnons d'arme un personnage rejoignit un homme, et c'est un homme qui s'en fut.

Sunday, October 28, 2007

Virginie Côte


Pour la seconde fois de mon existence d'écrivain, un musicien me demande d'écrire un texte le présentant. Après Royal Gala (dont l'exceptionnel est véritable nom est Sextet 69), c'est donc la délicieuse Virginie Côte qui me fait cet honneur.
Pas facile de résumer en quelques lignes un univers si riche. Pas facile de ne pas tomber dans le compliment excessif et banal. Virginie a accepté le texte suivant, que j'ai ensuite eu le plaisir de retrouver sur son site et sur l'affiche de ses concerts (il faudra d'ailleurs, à cette fin, que j'en fasse une version plus courte !)

"Avant tout, la lumière. La voix de Virginie Côte porte toutes les lumières du voyage. Des scintillements d’orfèvres du Jazz aux ors riches des aubes latines, en passant par les reflets chauds et drapés de l'Afrique. Une voix, une simple voix, c’est éblouissant ce que ça peut évoquer de maturité, de respect de la musique et de chaleur humaine. Un éclat qui soulage, « soul-âge », reflet éblouissant d’une âme mûre gorgée des soleils d’ailleurs. La musique que transmet Virginie prouve qu’en matière de soleil, elle et ses musiciens en connaissent un rayon. Leur complicité irradie de chaque chanson, éclabousse le public qui se fait complice à son tour, soudain les plus grands festivals sonnent comme des clubs sous des spots nacrés ; et ça fait du bien. Car après s’être prise à sortir, s’être risquée dehors et avoir rencontré l’autre, Virginie Côte peut rendre aujourd’hui toute la généreuse lumière qu’elle a reçue. A notre tour désormais de partir avec elle. Levons les oreilles vers les soleils musicaux qu’elle nous offre ! Lever la tête, c’est toujours mieux pour bronzer notre intérieur et finir aux éclats. Ensemble, public, musicien et chanteuse, devenir un et rieurs, sourire à la vie, car quand elle est servie par un chant si gracieux, elle est belle, la vie."

Photo classe de Gil

Sunday, October 21, 2007

19 secondes 83 centièmes, Pierre-Louis Basse


J'aime bien Pierre-Louis Basse depuis ce soir de novembre où, il y a une poignée d'années, attendant Julie dans ma voiture au pied d'une anonyme tour de la Défense, et un peu en avance, j'avais fui les radios musicales pour tomber enfin, mais faute de mieux, sur cette émission où des types parlaient avec un bel enthousiasme. Fumeur, je serais sorti allumer une clope. Mais je ne goûtais pas au tabac : ce fut l'auto-radio qui comblât ma patience. Je résolus donc d'écouter ces types parler.
Il y avait une vraie complicité. Le sentiment d'être chez eux. Chaque radio possède son propre prisme sonore, et celle où j'avais atterri sonnait rondement. Dans le froid qui fumait peu à peu les carreaux de ma Fiat, ces voix chaleureuses faisaient du bien. A l'époque où j'avais choisi Inter contre la pub et mes parents, il ne m'a pas fallu longtemps pour réaliser que j'écoutais Europe 1 et sa quotidienne du soir, Europe Sport. Dieu, qui, en short et maillot de foot siglé Zidane, une bière a la main et des chips dans l'autre, nous regarde du fond de son canapé nous affronter sur le terrain de nos vies, ce Dieu sait si j'ai pour les émissions sportives une frilosité épidermique, surtout à la radio. Pour moi, le multiplex de Jacques Vendroux sent le froid des stades vides en hiver, la brume des souffles courts sur les terrains pierreux, et les couleurs fades des maillots de clubs désargentés. Un côté "Coup de tête", du glauque à la Dewaere.
L'animateur d'Europe Sport accueillait des invités que je ne me serais jamais attendu à entendre dans une émission sportive. Mais ses mots étaient tellement conviviaux, sa voix riche d'une telle amitié, que je me suis surpris à m'intéresser sérieusement à ce que pouvait bien penser Bruno Solo de l'orientation que prenait le championnat de D1 à la veille de la trêve hivernale. Pris d'une soudaine crainte du ridicule, j'ai jeté un oeil dans le rétro, en vain : personne ne pouvait me voir écouter Europe Sport.
Un type a parlé du Basket américain. qu'avais-je à faire du Basket américain ? Le journaliste était si précis, concis, passionné et cultivé sur son sujet que j'ai prêté à sa chronique une oreille proprement fascinée. Puis vinrent les questions des auditeurs, accueillies avec la même chaleur conviviale, le même humour sympathique que les invités de prestige par celui dont j'apprenais désormais le nom : Pierre-Louis Basse.
Je n'ai plus très souvent écouté Europe Sport. Quand Pierre-Louis Basse a sorti Ma Ligne 13, j'ai posé dessus un oeil bienveillant, mais ne l'ai pas lu. J'ai suivi de loin ses interventions, écouté discrètement ce qu'on disait de lui. Un collègue de la Fnac le tenait en haut respect pour une biographie de Guy Môquet, décidément ce type étonnait.
J'ai finalement acheté 19 secondes 83 centièmes. J'avais lu et aimé l'angle que Patrick Besson avait pris pour son Viol de Mike Tyson. Je suis un fan de When we were Kings. Je ne sais pas pourquoi la cause noire américaine portée par les sportifs m'attire. Ici, c'est les JO de Mexico, 1968, la victoire aux 200 m de deux noirs-américains, et leur poing tendu sur l'hymne national. Pourquoi, comment, quelles conséquences.
19 sec 83 cent est remarquablement écrit. Cette voix brève et profonde à la Tillinac. Une certaine façon de laisser couler, de se laisser porter par les mots, quitte à accepter les redites, les retours, la construction concentrique plutôt que droite au but. Le sujet qu'il traite est encore plus remarquable. Penser à 34 ans que certains types de 10 ans de moins ont remporté une médaille d'or et levé le poing bien haut sur le podium, au prix de leur vie, ça me fera toujours réfléchir. "Finalement, je n'ai rien vécu."
Voici donc un bon livre, plein de sagesse et d'entrain, de leçons pas préparées. Une étude comparée de deux époques, la nôtre et celle de 1968 où furent concentrés tant d'événements qu'il devient aberrant de vouloir en liquider l'héritage d'un seul trait. Mai 68, bien sûr, mais aussi Mexico, donc, Tommie Smith et John Carlos, l'assassinat de Robert Kennedy, et tant d'autres bouleversements de l'Histoire. Il y a dans l'intimité de ce livre une belle portion d'essentiel. L'amour d'un fils pour son père, aussi. Et la description seconde par seconde d'un courage impensable aujourd'hui, construit par deux athlètes exceptionnels qui sciemment choisirent la révolte aux honneurs faussés, et changèrent le monde. Tommie Smith : "Dans ce poing brandi très haut, j'avais ramassé toute ma vie. Le poing est devenu immortel, mais la vie est en lambeaux. J'en ai fait le sacrifice."

Je pose ce livre de face sur ma bibliothèque, comme un étendard. Et si je meurs un jour, je veux me souvenir du poing dressé par Smith et Carlos et, venu l'instant dernier, lever le mien.

Saturday, September 22, 2007

Point de salut

C'est pas tout ça, mais au moment de basculer du chien au loup, il est rassurant d'entendre certains signes, surtout si on ne les attendait pas. Les Histoires jamais entendues dans un pub en Irlande apparaîssent désormais en 4ème position lorsque vous tapez "Irlande" dans le moteur de recherche des livres sur Fnac.com. Soit une dizaine de places de mieux qu'il y a encore quelques semaines. Comme c'est calculé sur les ventes, c'est grâce à vous, merci à tous !

Saturday, September 08, 2007

Avant, pendant, après Jean-Marc Parisis


Quelques leçons à tirer à la lecture du roman lauréat du prix Roger Nimier dans le cadre d'un travail d'écriture :
- Trop insister sur des détails inutiles rend suspect. Par exemple, qu'on m'explique pourquoi et comment une sonnerie de téléphone Vivaldi identifie la femme qui nous quitte prouve surtout qu'on cherche à masquer le côté rendre crédible un détail totalement artificiel. Ca sort le lecteur du récit, alourdit le style, montre les ficelles. Trop de ficelles dans ce livre.
- Trop de formules tue le style. Au début, ça amuse, ça épate, ça emporte pièce. Ca enivre, au début. A la fin ça saoule.
- Trop répéter ses formules sonne très prétentieux. Le roman est beaucoup trop court pour que cela ne se voie pas.
- Trop de vulgarité écoeure. C'est tendance, mais il faut savoir la manier avec art, d'une part. D'une autre, dénoncer la pornographie par la grossièreté est hypocrite. La pornographie entraîne la réflexion et le style dans des sphères infiniment plus passionnantes que la vulgarité. Choisir la vulgarité c'est couilles molles.
- Se méfier des titres qui ne surprennent pas. Avant, pendant, après, c'est vraiment joli, on espère juste qu'il ne va pas s'agir de la chronique d'un amour de sa conception à sa nostalgie. Dommage.
- Barrer la couverture d'un gros bandeau annonçant "L'amour" comme une vérité absolue n'arrange pas la vanité du livre. Et achève de trahir son éventuel mystère.
- Se méfier aussi des premières pages prometteuses. Celles-ci sont enlevées, elles finissent par donner le tournis. C'est terrible, un roman qui scotche d'entrée de jeu pour décevoir page après page.
- Au final, le style tue le roman mais la couverture est très belle.

Monday, September 03, 2007

L'aube le soir ou la nuit Yasmina Reza


Pas assez aiguë, trop négatif, très humain, trop acerbe : globalement, les anti-sarkozystes auront trouvé leur compte autant que les pro. Côté presse, Le Monde savoure ligne par ligne, le Figaro souligne que des "propos inédits confirment le flair politique de Sarkozy", Libé titre au gâchis et Les Inrockuptibles à l'arnaque : tout le monde est content. Les critiques enseignent beaucoup sur eux-mêmes et peu sur l'objet critiqué.
On peut lire L'aube... comme une oeuvre d'écrivain : n'importe quel homme politique en course pour la présidentielle, dans l'intimité de sa campagne, jure, s'énerve, s'emporte, dérape, balance des banalités, jette des fulgurances, est visionnaire, rétrograde, rieur, touchant, fragile, intouchable... En fait, n'importe qui, sur un an, est tout cela. Et l'intimité rend toujours sympathique au final. Dans l'enjeu de l'élection suprême, tout est juste exacerbé. L'enjeu du livre, lui, n'est donc pas là. Sarko ou pas, en fait on s'en fout.
L'auteur "contemple" un homme qui lui échappe : la politique, elle n'y connaît rien, la course au pouvoir lui est étrangère, ses collègues littéraires la mettent en garde alors qu'elle-même ne sait pas trop ce qu'elle veut faire de ce projet. L'enjeu est de cerner un homme, comme n'importe quel autre homme, un homme qui échappe d'emblée aux repères de l'auteur.
L'écrivain s'interroge alors : où sont ces repères ? Comment les débusquer dans ce foisonnement de faux semblants, de phrases toutes faites, de clichés, de calculs ? Où est le vrai, où est ce qui les rapproche, elle et lui ? En tant que lecteur, ce que l'on observe n'est pas un portrait politique mais un portrait d'écrivain à sa table. Dans ce journal entomologique, on contemple un auteur en train de contempler. C'est bien elle qu'on regarde s'accrocher aux moindres points communs, relever toutes les divergences de goût, s'agacer ou s'attendrir parce qu'enfin il lui semble qu'elle tient quelque chose, une piste qu'elle maîtrise un peu mieux. C'est pour elle qu'on vibre, elle qu'on veut voir l'attraper enfin. Un exercice intelligent, qui s'élève bien au-delà du procès qu'on lui fait.

Wednesday, July 11, 2007

Un nouveau post chez Yves Remords

Juste pour prévenir les amateurs, c'est ici.
A ce sujet, Laurie, merci pour ton commentaire sur le blog d'Yves ! Je ne le surveille pas assez, il m'avait échappé, mais merci, donc.

Tuesday, June 12, 2007

dans de beaux draps ?

Dans une belle couverture en tout cas ! Car ça y est : les histoires jamais entendues [...] Irlande sont désormais affichées sur Fnac.com avec leur couverture ! (signée Nicolas Vesin).

Monday, June 11, 2007

Top 3 de mes 10 titres préférés

Un Monsieur très vieux avec des Ailes immenses ; La Mer du Temps perdu ; Le Noyé le plus beau du Monde... Dans L'Incroyable et triste Histoire de la candide Erendira et de sa grand-mère diabolique, Gabriel Garcia Marquez multiplie les titres suberbes et franchement, un bon livre commence par un bon titre. Un bon titre, et le voyage commence déjà. Regardez le nom des bateau : un "Vers le soleil" sur le flanc d'un radeau en rade emportera plus loin les rêves du promeneur au quai que tous les First en plastique. Un roman : pareil. Puissance d'évocation, puis sens des vocations.
Ok, "Les Poneys sauvages", ça sonne Cartland au pas de course et pourtant quel chef d'oeuvre, alors qu'Atlantique Sud me fait rêver alors que quel océan de déception. Toujours est-il que si un écrivain parvient à emmener loin en une crème de mots sur carton, pardon : mais quelle promesse, mazette. Un titre, et c'est dingue comme on peut partir loin. Un titre de transport, en somme. Voyageurs, vos papiers ! Un simple titre...
Quel est le Top 3 de vos 10 titres préférés ? Vos cartes postales préférées, ces livres achetés rien que pour leur titre (quel fin bonheur !), dont la promesse jamais consommée vous rappelle l'élégance indolente des billets open qu'on s'offre et qu'on perd "par hasard". Vos talons célestes, votre passeport idéal tamponné de grâces romanesques. Un regard sur la tranche et hop ! vous voici ailleurs.

Mon Top 3 dans le désordre :
- La Ballade de la Mer Salée (et quasiment tous les titres de Corto Maltese. Hugo Pratt en écusson ci-dessous)
- Un Soir, à Londres (Michel Mohrt, un régal en quelques mots)
- Juste avant la Nuit (Pierre Charras, pure merveille)
- Bagages pour Vancouver (Michel Déon. Je reconnais qu'un titre comportant le mot "Bagage" triche un peu)
- Les Paradisiaques (Pascal Quignard, d'ailleurs Les Royaumes Oubliés, quel titre aussi)
- Mémoires sauvés du vent (Richard Brautigan, pour un livre qui à mes yeux dépasse L'Attrape-Coeur et La Vie devant soi)
- Le Livre de Sable (Jorge Luis Borges)
- Accessible à certaine Mélancolie (Patrick Besson, même remarque pour "Mélancolie" que pour "Bagage")

... 8 déjà, parmi tant d'autres, sauvés des milliers d'autres qui sonnent plat. Et vous ?

Wednesday, May 30, 2007

Mémoire de mes putains tristes, Gabriel Garcia Marquez

En lisant Mémoire de mes putains tristes, je me suis rappelé ce qu'écrivait Djian sur la sexualité en littérature. Il a des mots très forts, qui relèvent du manifeste, de la profession de foi. A propos de Henry Miller, il compare l'érotisme ("Pas de cette vulgarité-là. Pas de cette pudeur autrement nauséabonde, qui ravale la sexualité au rang de l'entertainment.") à la pornographie ("Regarder la sexualité en face, et se donner ainsi les moyens d'y comprendre quelque chose (...) passe obligatoirement par la pornographie").
Ce texte de Djian (Ardoise) continue à me fasciner. D'abord parce qu'il prenait la peine de se poser sans peur ni pudeur, sans crainte de choquer mais avec la volonté d'éclairer. Avec un tel style (et donc une telle intelligence), une telle force appuyée sur ses lectures que je ne pouvais que constater la perversion moralisatrice de ma propre culture. L'érotisme comme entertainment ! En tant que lecteur, il m'a ôté la gène de lire Miller. En tant qu'écrivain, la sexualité devenait un vrai sujet.
Mémoire de mes putains trites (quel titre) fait preuve d'un érotisme qui n'a rien à voir avec le clin d'oeil obséquieux craint par Djian.
Le sujet, plutôt limite, est abordé de front, sans complexe : à la veille de ses 90 ans, un homme décide de céder à la tentation toujours refusée de coucher avec une vierge de 14 ans. Et voilà que ce qui aurait dû être libidineux, vulgaire, noyé sous les sous-entendus pervers, ce qui aurait pu n'être qu'une provocation dans l'air du temps, ce qui aurait pucéder à la justification douteuse, à l'excuse du fantasme ou du roman, au bon dos de la métaphore et du symbole, voilà que le texte acquiert en quelques lignes à peine une profondeur humaine qui le place sur un champ bien supérieur.
Le style est d'une élégance qui dépasse l'entreprise de séduction. L'humour glissé avec mesure illustre le caractère des personnages, leurs mots, leurs âmes, c'est un humour qui respecte l'autre. Se dégage au fil du texte court une sensualité gracieuse qui n'a plus rien à voir avec l'entertainment. Qu'un être humain ait créé cela est d'une infinie beauté qui, par ce juste retour des choses propre à l'art, touche au coeur de la nature humaine. A l'heure ou mes travaux tentent d'explorer la sensualité, je me sens enrichi de nouvelles perspectives.

A part ça, n'en déplaise à Franck (cf les voyages littéraires et les petits déjeuners du lundi), ce même Franck qui me fit découvrir Marquez, j'ai beaucoup de mal à entrer dans Les Versets Sataniques, de Rushdie.

Sunday, May 27, 2007

Le Livre Monde - La Maison Russie, John Le Carré

En même temps, une semaine de vacances m'a permis de terminer deux livres que j'avais commencés, dont un il y a plus d'un an, et d'en lire deux autres entièrement. Certes, de petits livres, mais tout de même : je me suis surtout rendu compte qu'au-delà d'une culpabilité très mal placée de ne pas achever la lecture des livres, c'est le temps qui me manquait pour lire.
J'ai besoin d'un contexte, d'une lumière égale de jour en jour, de sons toujours les mêmes, ou plutôt de sonorités identiques, de la même densité de l'air, j'ai besoin pour bien lire de retrouver un univers complet. De m'y installer calmement et de le retrouver toujours au même moment. Ca ressemble à de la monomanie, c'est en fait un monde créé autour de moi et dont les habitants sont les personnages du livre que je lis. Point de bonne lecture qui soit hachée, interrompue toutes les deux pages, débutée au lit, poursuivie une heure plus tard dans le bus, coupée à chaque arrêt, reprise à la hâte entre Saint-George et Montholon, rendue impossible au retour par la foule oppressante des voyageurs, abandonnée une semaine, puis un mois, réouverte par défaut après avoir, vite fait, jeté un livre dans mon sac avant de partir, un matin...
Mes meilleures lectures ont leur âme propre. La Maison Russie, de John Le Carré : assis sur le bord de mon lit chaque matin, retardant le moment où il faudrait vraiment partir au lycée, tirant sur la corde du retard admissible, et l'album de Dee Dee Bridgewater "Victim of Love" et surtout "Precious Thing" et sa mélancolie sans retour, la lumière fraîche d'avril par la fenêtre de ma chambre, la chaleur d'une maison qui s'éveille, le bruissement des préparatifs familiaux de l'autre côté de la porte. Mon isolement, ma résistance à quitter le monde de ces pages et à entrer dans l'extérieur. La silhouette de Katya, l'élégance de Barley m'accompagnent longtemps sur le chemin du lycée, se prolonge pendant les premiers cours. Je me souviens aujourd'hui de ses sensations comme d'une caresse sur mon front. J'ai terminé la lecture mais le livre vit encore près de moi, et ses contours sont nets. J'entends toujours la voix de Barley Scott Blair, et ce n'est pas celle que Sean Connery lui prêta dans l'adaptation au cinéma.

A part ça, tous les livres déposés à la Fnac Velizy sont vendus.

Monday, May 14, 2007

Satori minuscule

Chère K.,

Voilà déjà quelques semaines que je m'interroge : pourquoi est-ce que je n'arrive pas à finir les livres que je commence à lire ? J'ai ai accumulé quelques uns. La Joueuse de Go, dont le style m'avaot pourtant emporté dès les premières lignes. Un joli goût, rond et sec. Impossible d'atteindre les 100 pages. Le Ravissement de Lol V. Stein : un style très pur, puis finalement très chargé, et une histoire qui, derrière sa simplicité et son faible volume de pages, s'encombre beaucoup trop pour moi. Le Braconnier de Dieu, dont la seule mention de la dédicace m'a pourtant immédiatement parlé. Le dernier lu jusqu'au bout est encore Sur la Route. Il a fallu que je me le rappelle pour me convaincre que je sais pourtant aller au bout d'un texte. Que ça m'est arrivén souvent, et que j'ai aimé ça. J'achète trop de livres, je sais que j'ai peu de chances de les terminer, et j'en rachète encore.
Je me posais cette question tandis que je lisais Printemps, Eté, second volume de l'Année Zen par Henri Brunel. Un chapître à propos de son émerveillement à la lecture de La Première Gorgée de Bière. Ce livre laisse la plupart de mes amis gros lecteurs circonspects, voire narquois. Moi, c'est vrai, je le sirote toujours avec plaisir mêlé d'admiration. Depuis mes Histoires Irlandaises, on me reparle de la Première Gorgée de Bière. Prudent je fuis toute comparaison.
Henri Brunel se rappelle que les écrivains ne se lisent pas entre eux. Ils se surveillent. D'avoir surveillé Brunel me soulage soudain.

A part ça, il faudra bientôt que je parle de la terrible difficulté d'entendre ce chef d'oeuvre qu'est l'Imprudence de Bashung.

Thursday, May 03, 2007

Porte-bonheur


Vous allez dire que je radote, ou que je ne vous lâche pas avec ce bouquin. Mais enfin quand même, ce n'est pas comme si rien ne s'était passé entre lui et moi et, je l'espère, entre lui et des gens, quelque part, peut-être.
Toujours est-il que les premiers chiffres viennent de tomber, et qu'à ce jour, dans la seule Fnac où il a été déposé, Histoires jamais entendues dans un pub en Irlande a vendu 13 de ses 20 exemplaires en 15 jours. Soit plus très loin de 1 par jour.
Eh bien c'est pour notre maison une belle victoire, que nous savourons modeste mais vraie. Merci à notre libraire préférée Elodie de Velizy, vous pouvez aller la voir de notre part ! Allez je vous lâche maintenant.

Friday, April 06, 2007

Premiers commentaires ?

Les premiers lecteurs, les premières lectrices m'ont fait l'honneur de partager avec moi leurs premiers sentiments à la lecture des nouvelles irlandaises.
Ceux parmi vous qui les ont lues, toutes ou quelques unes seulement (déjà), peuvent laisser leur avis ici, et pourquoi pas sur le site de Fnac.com, à la page du livre, en cliquant là.

Une soirée de lancement du livre dans un pub à Paris se précise, autour du 21 avril. A ne pas louper, infos complémentaires sur ce blog dans les jours qui viennent. Quelqu'un connaîtrait-il un bon pub irlandais accueillant ?

Un plan d'action est d'ailleurs en oeuvre pour faire la promo du livre de façon un peu originale : vente dans les pubs, tournée des bars en groupe, dédicaces dans des endroits originaux... si vous avez des idées, nous sommes preneurs !

A part ça, je pensais achever la lecture de Sur la Route de Kerouac dans le bus qui me conduisait de Dublin à Galway, la semaine dernière. Mais non. Ni dans celui du retour entre Galway et Dublin. J'ai alors pensé que je le finirais dans mon train de banlieue, qu'il m'a paru plus sûr d'emprunter pour aller bosser plutôt que mon scooter après une soirée particulièrement chargée. Toujours pas.
J'ai fini Sur la Route immobile, et chez moi. Le temps a toujours été au bonheur au long de ces pages incroyables.
J'ai du coup pu commencer Le Lièvre de Vatanen, de Arto Paasilinna. Finlande, à nous deux.

Saturday, February 24, 2007

Histoires jamais entendues dans un pub en Irlande, la couverture

Voici les essais de couverture du livre que les éditions Croiser le Faire devraient publier dans les toutes prochaines semaines. Qu'en pensez-vous ?

Sunday, February 18, 2007

Ardoise, Philippe Djian, et Rester Vivant, Michel Houellebecq

Je discutais avec mon ami L'hareng Goret, qui sortira bien son double album un jour ou l'autre. Il me parlait de l'Illusionniste. Ce film, comme pas mal d'autres, peut finalement révéler plusieurs lectures. Que L'hareng, qui devrait sortir son double album sous peu, y ait vu quelque chose qui m'a échappé m'a soudain donné une meilleure image du film.
Je discutais avec Etienne. Nous parlions d'Ardoise, de Philippe Djian, qui est probablement le livre que je préfère de lui. En le citant, j'ai cru lire dans le regard d'Etienne un accent circonspect. Djian a mauvaise réputation chez les lettrés, c'est vrai. Ca m'a frappé à ce moment-là. J'ai donc décrit à Etienne, pour le convaincre de l'intérêt de cet auteur, sa façon de travailler. "Tout est expliqué dans Ardoise.", a-t-il falu conclure. Toutes les clés pour comprendre l'oeuvre de Djian sont dans Ardoise, qui lui-même est une sacrée porte. Ciselée à merveille, mais c'est une autre histoire.
Quand je pense à Ardoise j'y associe assez systématiquement Rester Vivant, de Houellebecq. C'est dans ce livre, le vrai premier de l'auteur, que tout est expliqué. Tous les détracteurs de Houellebecq devraient le lire, ne serait-ce que pour comprendre comment ils sont tombés dans le piège et mieux affuter leurs armes. Rester Vivant est un manifeste exceptionnel, respecté à la lettre. Les livres qui suivent sont l'argumentation déroulée d'un plan d'action génialement exposé. Une vision implacable, mise en oeuvre pierre après pierre. Là encore, le livre est une clé qui dénoue les nombreux niveaux de lecture de Houellebecq.
Ca peut-être dérangeant, de considérer un livre comme une expérience. L'idéal reste quand même le livre comme pure giclée créative. Une performance inexplicable. Un monde créé rond sans raison, sauf que c'est beau. C'est un peu ce que je lis chez Kerouac, encore une fois.
En même temps, discuter avec un ami d'un livre partagé et aimé pour des raisons différentes, quel bonheur.
Je voudrais tant écrire des livres à plusieurs niveaux de lecture.

A part ça, Microfictions aurait tout pour me séduire, à commencer par un style qui me souffle. C'est le systématisme de la noirceur qui m'en écarte. Je ne suis pas d'accord avec cette vision d'un monde sans appel. Je ne picorerai pas avec un plein plaisir les histoires superbes de Régis Jauffret. Merci à lui de m'en avoir fait prendre conscience.

Thursday, February 15, 2007

Les fulgurances de Kerouac - Sur la route

Ca m'avait fait le coup avec Philip Roth. Des pages et des pages d'histoires, et d'un coup une fulgurance. La comparaison s'arrête sûrement là : Roth construit son histoire mot après mot dans une mécanique parfaite, Kerouac laisse venir l'instinct. Mais l'un comme l'autre au détour d'un paragraphe anodin libèrent une fulgurance qui résoud tout. Avec Brautigan, pareil, la dose de poésie en plus.
Les thèmes sur lesquels je bosse actuellement s'enrichiront beaucoup, par exemple, d'un passage de Kerouac comme celui-ci. Les lignes closent le chapître. Phrases courtes. Seul l'essentiel compte. Elles sont coincées sur la page paire, à gauche, comme cachées. Leur sensualité interdit la pleine lumière et leurs mots sont ceux de la fin du jour, quand tout a été dit.

"Dans un gentil silence plein de déférence et de douceur, elle se déshabilla complètement et glissa son corps menu dans les draps, à côté de moi. Il était couleur de muscat. Je vis son malheureux ventre balafré par une césarienne ; ses hanches étaient si étroites que pour avoir un enfant, elle avait dû passer au bistouri. Ses jambes étaient comme des baguettes. Elle ne mesurait que quatre pieds dix. Je lui fis l'amour dans la douceur lasse du matin. Puis, à la façon de deux anges épuisés, désespérément échoués sur un haut fond de Los Angeles, après avoir connu ensemble la chose la plus secrète et la plus voluptueuse de l'existence, nous nous abandonnâmes au sommeil jusqu'à une heure avancée de l'après-midi."

A part ça, quelques pages plus loin, "J'avais un moral d'un million de dollars".

Tuesday, February 13, 2007

Sur la route, Jack Kerouac

Sur la route, voici un livre symptomatique : pendant des années j'ai eu honte de ne pas l'avoir lu.
Un peu comme de dire qu'on n'aime pas Hugo parce qu'on n'a pas pu aller au bout des Misérables, en seconde. C'est la faute à Philippe, qui ajoutait toujours "de lapin" après chaque mention du titre. Ca nous faisait bien rire mais le sérieux de l'oeuvre s'en prenait un coup de 12.
J'en connais beaucoup des livres comme ça, que je ne lis pas parce que je ne les ai jamais lus. Me projeter dans un train de banlieue tous les regards braqués sur moi "quoi ? un jeune homme de votre âge qui dit aimer la littérature, ne même pas avoir lu "Sur la route" ?"
Je ne sais plus quel est le déclencheur. Le "résolvant". Arrive un jour où, dans une Fnac, j'ose, allez savoir pourquoi. Ah ! oui, tenez, c'était L'attrape-coeur. Salinger. Mais je venais de lire Ardoise de Philippe Djian et j'étais désormais décomplexé. Il ne faut jamais avoir lu. On ne doit pas davantage. Il y a ce qu'on a lu, et encore. Ce qu'on va lire, peut-être. Surtout : ce que l'on est en train de lire.
Sur la route, donc. Je le pensais moins imposant. Je m'attendais à davantage de sable, de poudre, de fumée. Je m'attendais à des clopes volées aux décapotables par le vent chaud du sud. Je suis assez surpris. Tant mieux.
K. qui est souvent de bon conseil a trouvé ça chiant, Sur la route. Moi aussi du coup, un peu, au début, forcément. Et puis p. 25 "Un gars de l'Ouest, de la race solaire, tel était Dean. Ma tante avait beau me mettre en garde contre les histoires que j'aurais avec lui, j'allais entendre l'appel d'une vie neuve, voir un horizon neuf, me fier à tout ça en pleine jeunesse ; et si je devais avoir quelques ennuis, si même Dean devait ne plus vouloir de moi pour copain, et me laisser tomber, comme il le ferait plus tard, crevant de faim sur un trottoir ou sur un lit d'hôpital, qu'est-ce que cela pouvait me foutre ? J'étais un jeune écrivain et je me sentais pousser des ailes.
Quelque part sur le chemin je savais qu'il y aurait des filles, des visions, tout, quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare."
Nom de dieu.

A part ça je suis tombé sur une chanson de Lavilliers en rentrant tout à l'heure. Un peu obsédé par le livre qui sort bientôt, j'ai été pris d'une bouffée d'euphorie en imaginant que les prochaines histoires jamais entendues quelque part seraient bercées par les chansons aux hanches souples de Lavilliers. A suivre.

Saturday, February 10, 2007

Histoires jamais entendues dans un pub en Irlande, la préface

On n’est jamais seul dans un pub irlandais. Il y a toujours le serveur pour vous en raconter une bien bonne, ou une poignée d’habitués, marins à la retraite (mais peut-on être à la retraite de la mer ?) qui partageront toujours leurs histoires fantastiques avec vous, ou encore ce vieux chien mouillé qui vous fera volontiers la conversation pour peu que vous tendiez la main vers son museau.
Le plus souvent, les pubs de Dublin, Galway ou Donegal sont remplis de vos futurs amis. Vous les retrouverez d’une enseigne à l’autre, toujours heureux de vous revoir, toujours ravis que vous leur offriez un whiskey ou une lager. Et puis il y des fées, des leperchauns, des lutins un peu partout, eux aussi viennent se rafraîchir entre gens de bonne compagnie, il suffit de savoir regarder.
Regarder, et surtout écouter ! Car les pubs irlandais ne sont pas qu’affaire de stout. La vraie vie des pubs, ce sont leurs histoires formidables. Celles qu’on y raconte, qu’on s’échange plus volontiers que nos problèmes de bureau, de couple ou de santé, et pour les oublier aussi. La vraie vie des pubs, c’est cette aventure impossible qu’a vécue votre voisin de comptoir. Elle vous intrigue, et il le sait bien. Alors il vous la raconte à vous autant qu’à ses copains, et il en rit avec vous, avec eux, tous ensemble. Et bientôt c’est à votre tour de raconter une histoire. Attention ! Faites-les rêver, faites-leur croire que ce que vous dites est vrai. Car il n’y a d’histoire vraie que d’histoires joliment racontées. Le reste, c’est de la littérature : ça n’a pas sa place au pub.
Voici quelques aventures que m’ont racontées mes copains d’un soir, dans un pub dont j’ai oublié le nom. Le Finnegan‘s ? Le Quiet Dog ? le Crown ? Chez Matthew à Cork ou chez Lady Shannon à Londonderry ? Sincèrement je ne me souviens plus. D’ailleurs, parmi ces récits, lequel était le mien ? Lequel était vrai ?
Quelle importance. C’est maintenant votre tour : racontez nous une belle histoire, et si elle nous fait rêver, on vous paie la tournée. Slainte* !

A votre santé, en irlandais

Tuesday, January 30, 2007

Coulé !

Ce soir j'ai reçu mon texte "coulé", c'est-à-dire mis au format du livre à sa taille réelle, tel qu'il sera publié. C'est très émouvant. Il faudra que j'en parle, mais plus tard.
C'est un 10x18 (10 cm de large sur 18 de long), 132 pages avec un joli blanc tournant, je suis extrêmement fier, et surtout euphorique.
Restent encore à gérer deux ou trois détails de couverture, de quatrième de couv, et des petites coquilles à corriger. L'objectif est de fournir un texte d'équerre à l'imprimeur avant le 10 février. C'est parfaitement jouable.
Merci à Nico et Pierre O' pour leur talent, leur patience et leur confiance. Ils m'honorent considérablement.

Saturday, January 27, 2007

La tectonique des lettres

Un truc que j'aime bien faire, c'est lire debout, devant ma bibliothèque. C'est me laisser absorber pour quelques minutes ou quelques pages, entre deux obligations, en attendant Julie qui arrange ses cheveux juste avant de sortir, ou en attendant des amis qui viendraient dîner. Au hasard de ma bibliothèque, je grapille des pages d'un livre à l'autre, poussé par un souvenir, un goût sur les lèvres. Il s'agit exclusivement de relecture. D'ailleurs, ça m'arrive souvent lorsque je ne sais plus quoi lire et que je cherche un nouveau livre. Aucun ne m'inspire, et vient très vite le besoin d'une ambiance précise et sûre, des pages que je sais bonnes. Je cherche un velouté que je ne trouverai pas dans un livre neuf, alors je le pioche avec précision dans ceux que j'ai déjà lus. Et c'est très bon.
Il y a quelque temps j'ai ouvert un Librio de Brigitte Kernel intitulé "Un été d'écrivains". Je ne me souviens plus quand l'avoir acheté, mais je parcours la liste des auteurs dont il est question et me revient alors, sinon le quand, au moins le pourquoi : Beigbeder, Ravalec, Bruckner, entre autres. Je ne suis pas un inconditionnel de ces auteurs, mais une interview d'eux m'intéressera toujours.
A la fin d'un entretien circonstancié la journaliste égrenne un quiz aux questions toujours semblables. Quand écrivez-vous, agacez-vous votre entourage quand vous écrivez, si vous n'écriviez pas que feriez-vous... Et puis cette éternelle, à laquelle aucune réponse satisfaisante ne m'a jamais été apportée par quelque écrivain que ce soit, je dis bien jamais. Pourquoi écrivez-vous ?
Jamais, parce qu'aucune réponse n'a été la mienne à ce jour. Il y a bien sûr les sages qui disent qu'ils écrivent pour eux, simplement, pas un mot de plus, et je devine ce que cette économie peut receler de matière, d'expérience. De sens. Et peut-être après tout écris-je pour moi finalement. Mais, manque de maturité peut-être, cette réponse ne me sied point.
J'aurais pu délivrer la même énergie pour la musique, par exemple. Mon expérience avec la musique est intéressante car je pense être allé au bout de ce que je pouvais attendre de moi-même. Au-delà aurait été injuste. Vis-à-vis de moi, car j'aurais eu le sentiment de perdre du temps au détriment de quelque chose de plus essentiel. La musique n'est pas ma vie, et d'ailleurs aucune musique ne m'a procuré la même intensité d'émotion et de bonheur que certaines pages de mes auteurs préférés. Aucune jeune chanteuse ne m'émeut comme 3 mots de Mireille Sorgue. Aucun chanteur ne me procure les frissons d'Ardoise ou de L'Economie du ciel, aucun album ne m'emmène aussi loin que L'Adieu au Roi. Cela vaut aussi pour le cinéma. Ma chanson s'écrit davantage qu'elle ne se chante.
Une personne bien intentionnée à laquelle j'avais répondu que j'écrivais parce que c'était probablement ce que je savais faire de mieux m'a répondu non, ce n'est pas pour cela qu'on écrit. On ne choisit pas son art par défaut.
La question ne m'est jamais venue spontanément avant qu'on ne me la pose, à moi ou par l'intermédiaire d'une interview à un écrivain. Pourquoi écris-je bon sang ?
Borgès dit : "J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps", et c'est une phrase magnifique. Ce n'est pas la mienne.
Je pourrais me contenter de rêver que j'écris. Me projeter dans une vie d'écrivain imaginaire, me faire du bien avec cette image comme un enfant qui s'imagine pilote de course ou colleur d'affiche et s'en satisfait pleinement. Mais j'ai franchis le pas par besoin, et quand je n'ai pas été publié par une maison, alors j'ai créé la mienne. Et je continue. L'imaginaire ne suffit plus. Il y a forcément autre chose. Je vois l'écriture comme un pilier de ma vie que la musique n'a jamais représenté. Comme une lame de fond qui me porte. J'y pense avec une autre ampleur, une autre ambition, une autre légèreté aussi. Il s'agit bien d'une autre nourriture, on n'est plus au McDo. La musique est mon big mac. L'écriture me fait saliver autrement. Pourquoi ? J'ai le sentiment qu'il est important d'y répondre.
Mais tout est déjà là : j'écris parce qu'un choc m'a poussé en avant et que ce choc était des lignes noires sur un folio blanc. La poussé première, c'est ma réponse au pourquoi. Il y a quelque chose de foncièrement distinct du choix, sinon de choisir d'accepter plutôt que de refuser.
A part ça, je me réconcilie avec Tillinac grâce aux Boulevards des Maréchaux. Ouf !
Je n'ai pas trouvé de photo de Mireille Sorgue, et je le regrette. Je suis en revanche tombé sur celle-ci de Beigbeder. Enjoy.

Monday, January 15, 2007

L'arbre qui sauve la foret

Blogger n'accepte toujours pas les accents circonflexes dans les titres ^^

Il suffit souvent de quelques mots, d'une scène, d'un signe pour que je plonge dans un roman. Cela vaut aussi pour un film, un album ou un concert. Pour tout oeuvre. Une page bien écrite vaut le livre. Ma mère disait cela de Djian.
Pour Les Secrets de la mer rouge, l'assemblage de signes noirs de la page 72, éditions Grasset, me fait basculer entre Levallois - Clichy et Pont Cardinet. Me voici soudain sur une île déserte. Autour de moi, une main fraternelle de marins joyeux chassent des chèvres pour en boire le lait, sous l'oeil bienveillant du capitaine. A lui l'oeil émerveillé par la nature sauvage et sereine. Moi, je flotte dans l'apesanteur suave des lignes apaisées. Tout est calme, la mer bruisse. Le feu rond crépite dans l'âtre de mon oesophage, et sur ma langue, un galet acidulé.
"Il faut avoir traversé ce pays infernal, hérissé de volcans, couvert de lave, battu par un vent furieux, il faut avoir été blanchi de sel par les embruns, séchés à même la peau ; il faut avoir été pénétré par toute l'horreur hostile de cette nature privée de vie où les élémens nus se heutent et se combattent sans trève, il faut avoit senti le peu de choses que nous sommes devant toutes ces forces déchaînées, pour éprouver cette joie de retrouver la Vie."
Alors oui.
A part ça, quelques pas dans la nuit pour rentrer chez moi et voici que mon roman prend un nouvel angle. Ou plutôt : qu'une nouvelle, oblique, ricoche et l'éclabousse, révélant ce nouveaux cristaux. C'est une bonne journée comme il y a du bon pain.

Sunday, January 14, 2007

Terminus Love

Je discutais avec un ami à propos de Henry de Monfreid, justement. Il me dit "Ah Monfreid, j'en emmenais un exemplaire dans mes bagages à chaque fois que je partais en voyage. J'aimais beaucoup. Mais au final c'était quand même un sale type."
J'ignorais. Certes, marchand d'armes, on a trouvé mieux comme profession de foi. Même pour un écrivain. Même en 1930 où le contexte des trafiquants n'était pas le même qu'aujourd'hui. Même avec les meilleures excuses. Reste qu'un type a choisi sa vie, ajoutant ainsi une dimension supplémentaire à ce qui constitue la somme de l'humanité à laquelle chacun de nous appartient, et je veux retenir cela. L'être humain est aussi cela.
Qui plus est, je ne lis pas Monfreid dans le but de savoir s'il est louable d'aller vendre des armes et des perles sur la mer rouge plutôt que de s'occuper de ses enfants. Je lis Monfreid parce que j'aime les écrivains de son époque, les aventuriers et les types qui à trente ans ont choisi de quitter leur Espagne pour mieux atteindre leur Amérique. Et parce que la couverture par Hugo Pratt est belle. Qu'on vienne me dire que Monfreid fut un sale type, sur le coup atténue mon intérêt pour le texte. Plus précisemment, cela le ternit. Mais c'est passager.
Rien ne sert de décrier ce qu'on n'a pas aimé. En citant Monfreid, je parlais de littérature à un fan de Paul Morand. Je ne cherchais pas à établir le classement des écrivains selon leur moralité. Ce qui est en jeu est moins l'oeuvre décriée que nous-mêmes. Et donc que l'humanité que nous contribuons à constituer chaque jour. J'en veux davantage à mon ami d'avoir craché sur Monfreid qu'à Monfreid d'avoir vendu des armes pour payer sa liberté.
Ne jamais ternir les enthousiasmes. A tout prix, transmettre ce que l'on aime.
A part ça, et d'ailleurs, j'ai réécouté Nougaro.

Friday, January 05, 2007

Le choix des ames

Julie vient d'acheter deux livres à la Fnac. Des livres de poche dont je n'avais jamais entendu parler, par leurs titres ni par leurs auteurs. Simplement elle a lu la 4ème de couverture et quelques lignes, les thèmes lui ont plu ainsi que les styles, et roule.
Je me rends compte que je suis très exclusif en matière de lecture. Je prends rarement de risque, comme elle. Elle ose, je dose. Je ne m'aventure que dans des terres consciencieusement évaluées.
C'est que j'attends de mes lectures une intransigeante efficacité. Efficacité sur ce qu'elles m'apportent pour mon travail d'écriture, et efficacité du plaisir. Rien d'antinomique : un livre doit m'emmener, me convaincre, me pousser de l'avant. Je dois en tourner les pages ébouriffé, avec sur la langue le fameux goût de bonbon, rond, que je tète. Le petit feu dans ma gorge doit crépiter. Il faut que je me dise "voilà, c'est ça. C'est bien de ça dont il s'agit". Il y a une urgence, ne pas perdre de temps. Que je mette huit mois à finir un livre ne compte pas. Ce qui va vite, c'est de déceler si le livre m'apportera quelque chose ou pas. En fait, savoir si le livre m'apportera le plaisir que je cherche à transmettre à mon tour. Les livres qui m'ont apporté les plus belles heures sont ceux qui m'ont donné le goût d'écrire. Cette certaine envie du partage. C'est pour cela, je pense, que je vais plus volontiers vers les titres porteurs de promesses au détriment du hasard.
A part ça, j'abandonne Nimier, ses journées de lecture sont puissamment intelligentes mais tout de même un peu chiantes. Je réouvre Henry de Monfreid. Voici une autre vraie belle promesse. Mais les premières pages me déçoivent comme à la première lecture. C'est parce que je me rappelle le Journal d'un Lecteur, de Manguel, que je poursuis. Tout espoir n'est pas perdu, et ce qui fait que j'abandonne un livre ou lui laisse une chance tient à très peu de choses indicibles.

Tuesday, January 02, 2007

Les soleils éteints

Je me suis étonné que mon ami L'hareng Goret et moi soyons si proches étant donné les différences qui composent nos deux bibliothèques. Nous ne lisons pas la même chose, lui ai-je fait remarquer. Lui : Stephen King, Onfray, San A., Hugo, le tout sous le regard de commandeur de l'idôle Ferré. Moi : les hussards, Djian, Schoendoerffer, Quignard, sous les chansons de Nougaro. "J'ai quand même quelques Déon", m'a-t-il répondu. J'ai vu une poignée de livres de poche dans un angle caché. Mes Déon occupent tout un étage de ma bibliothèque, et ils l'occupent seuls. Et c'est l'étage le plus noble. Sur deux rangées. Plus les beaux livres de voyages illustrés. Et les oeuvres préfacées ou communes.
Il y a peut-être une quinzaine de jours a paru un article dans le Monde littéraire sur Déon, au sujet du recueil de certaines de ses oeuvres. Cet article m'a marqué à deux titres :
1/ Josyane Savigneau, qui est un peu Madame le Monde littéraire, ne m'apprend rien, et ne semble rien apprendre elle-même sur l'homme ni même sur l'écrivain. L'interview rabache les mêmes clichés que Déon se traîne depuis ses vingt ans. L'Action Française pendant la guerre ; les Hussards réunis malgré eux sous le prétexte d'aimer les femmes et les voitures de sport, et d'écrire pour le plaisir avant tout ; le scandale des Poneys Sauvages quand le Goncourt lui fut refusé, et la mauvaise foi des détracteurs à sa sortie ; l'engagement politique ; le monarchisme ; l'Irlande et la Grêce. Ca valait la peine. Depuis que je lis des articles sur Déon, je n 'ai jamais rien appris.
2/ Cet acharnement des journalistes à ne rien sortir de neuf sur l'homme ni sur l'écrivain me gène. Ca me gène parce que c'est comme si Déon l'acceptait. Comme si le ronron de ces éternels clichés l'avait vaincu. Comme si le hussard libre et sabreur avait jeté l'épée, mis à terre par la roue lancinante et puissante d'une presse qui se satisfait vite des portraits prémâchés. Même Savigneau.
Et puis j'ai repensé au recueil. Il est précédé d'un commentaire de l'auteur sur le contexte dans lequel fut écrite chacune des oeuvres reprises. Et conclu par une biographie signée de sa fille. Où il est quand même question des prises de position politiques de son père pendant la guerre. Certes le contexte nous empêche de juger, et certes les intentions étaient louables. Mais dire "les intentions étaient louables" revient à dire "il a fait de belles erreurs quand même". A la fin, je ne veux plus l'ignorer.
Alors j'ai repensé à tout ça en une fraction de seconde lorsque L'hareng m'a montré son rayon Déon. Tout s'est synthétisé en une seconde. Un peu amer j'ai dit : "Déon, je m'en éloigne de plus en plus." L'hareng m'a répondu : "Ca me fait pareil avec Ferré".
A part ça, je relis Nimier.

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