Sunday, October 28, 2007

Virginie Côte


Pour la seconde fois de mon existence d'écrivain, un musicien me demande d'écrire un texte le présentant. Après Royal Gala (dont l'exceptionnel est véritable nom est Sextet 69), c'est donc la délicieuse Virginie Côte qui me fait cet honneur.
Pas facile de résumer en quelques lignes un univers si riche. Pas facile de ne pas tomber dans le compliment excessif et banal. Virginie a accepté le texte suivant, que j'ai ensuite eu le plaisir de retrouver sur son site et sur l'affiche de ses concerts (il faudra d'ailleurs, à cette fin, que j'en fasse une version plus courte !)

"Avant tout, la lumière. La voix de Virginie Côte porte toutes les lumières du voyage. Des scintillements d’orfèvres du Jazz aux ors riches des aubes latines, en passant par les reflets chauds et drapés de l'Afrique. Une voix, une simple voix, c’est éblouissant ce que ça peut évoquer de maturité, de respect de la musique et de chaleur humaine. Un éclat qui soulage, « soul-âge », reflet éblouissant d’une âme mûre gorgée des soleils d’ailleurs. La musique que transmet Virginie prouve qu’en matière de soleil, elle et ses musiciens en connaissent un rayon. Leur complicité irradie de chaque chanson, éclabousse le public qui se fait complice à son tour, soudain les plus grands festivals sonnent comme des clubs sous des spots nacrés ; et ça fait du bien. Car après s’être prise à sortir, s’être risquée dehors et avoir rencontré l’autre, Virginie Côte peut rendre aujourd’hui toute la généreuse lumière qu’elle a reçue. A notre tour désormais de partir avec elle. Levons les oreilles vers les soleils musicaux qu’elle nous offre ! Lever la tête, c’est toujours mieux pour bronzer notre intérieur et finir aux éclats. Ensemble, public, musicien et chanteuse, devenir un et rieurs, sourire à la vie, car quand elle est servie par un chant si gracieux, elle est belle, la vie."

Photo classe de Gil

Sunday, October 21, 2007

19 secondes 83 centièmes, Pierre-Louis Basse


J'aime bien Pierre-Louis Basse depuis ce soir de novembre où, il y a une poignée d'années, attendant Julie dans ma voiture au pied d'une anonyme tour de la Défense, et un peu en avance, j'avais fui les radios musicales pour tomber enfin, mais faute de mieux, sur cette émission où des types parlaient avec un bel enthousiasme. Fumeur, je serais sorti allumer une clope. Mais je ne goûtais pas au tabac : ce fut l'auto-radio qui comblât ma patience. Je résolus donc d'écouter ces types parler.
Il y avait une vraie complicité. Le sentiment d'être chez eux. Chaque radio possède son propre prisme sonore, et celle où j'avais atterri sonnait rondement. Dans le froid qui fumait peu à peu les carreaux de ma Fiat, ces voix chaleureuses faisaient du bien. A l'époque où j'avais choisi Inter contre la pub et mes parents, il ne m'a pas fallu longtemps pour réaliser que j'écoutais Europe 1 et sa quotidienne du soir, Europe Sport. Dieu, qui, en short et maillot de foot siglé Zidane, une bière a la main et des chips dans l'autre, nous regarde du fond de son canapé nous affronter sur le terrain de nos vies, ce Dieu sait si j'ai pour les émissions sportives une frilosité épidermique, surtout à la radio. Pour moi, le multiplex de Jacques Vendroux sent le froid des stades vides en hiver, la brume des souffles courts sur les terrains pierreux, et les couleurs fades des maillots de clubs désargentés. Un côté "Coup de tête", du glauque à la Dewaere.
L'animateur d'Europe Sport accueillait des invités que je ne me serais jamais attendu à entendre dans une émission sportive. Mais ses mots étaient tellement conviviaux, sa voix riche d'une telle amitié, que je me suis surpris à m'intéresser sérieusement à ce que pouvait bien penser Bruno Solo de l'orientation que prenait le championnat de D1 à la veille de la trêve hivernale. Pris d'une soudaine crainte du ridicule, j'ai jeté un oeil dans le rétro, en vain : personne ne pouvait me voir écouter Europe Sport.
Un type a parlé du Basket américain. qu'avais-je à faire du Basket américain ? Le journaliste était si précis, concis, passionné et cultivé sur son sujet que j'ai prêté à sa chronique une oreille proprement fascinée. Puis vinrent les questions des auditeurs, accueillies avec la même chaleur conviviale, le même humour sympathique que les invités de prestige par celui dont j'apprenais désormais le nom : Pierre-Louis Basse.
Je n'ai plus très souvent écouté Europe Sport. Quand Pierre-Louis Basse a sorti Ma Ligne 13, j'ai posé dessus un oeil bienveillant, mais ne l'ai pas lu. J'ai suivi de loin ses interventions, écouté discrètement ce qu'on disait de lui. Un collègue de la Fnac le tenait en haut respect pour une biographie de Guy Môquet, décidément ce type étonnait.
J'ai finalement acheté 19 secondes 83 centièmes. J'avais lu et aimé l'angle que Patrick Besson avait pris pour son Viol de Mike Tyson. Je suis un fan de When we were Kings. Je ne sais pas pourquoi la cause noire américaine portée par les sportifs m'attire. Ici, c'est les JO de Mexico, 1968, la victoire aux 200 m de deux noirs-américains, et leur poing tendu sur l'hymne national. Pourquoi, comment, quelles conséquences.
19 sec 83 cent est remarquablement écrit. Cette voix brève et profonde à la Tillinac. Une certaine façon de laisser couler, de se laisser porter par les mots, quitte à accepter les redites, les retours, la construction concentrique plutôt que droite au but. Le sujet qu'il traite est encore plus remarquable. Penser à 34 ans que certains types de 10 ans de moins ont remporté une médaille d'or et levé le poing bien haut sur le podium, au prix de leur vie, ça me fera toujours réfléchir. "Finalement, je n'ai rien vécu."
Voici donc un bon livre, plein de sagesse et d'entrain, de leçons pas préparées. Une étude comparée de deux époques, la nôtre et celle de 1968 où furent concentrés tant d'événements qu'il devient aberrant de vouloir en liquider l'héritage d'un seul trait. Mai 68, bien sûr, mais aussi Mexico, donc, Tommie Smith et John Carlos, l'assassinat de Robert Kennedy, et tant d'autres bouleversements de l'Histoire. Il y a dans l'intimité de ce livre une belle portion d'essentiel. L'amour d'un fils pour son père, aussi. Et la description seconde par seconde d'un courage impensable aujourd'hui, construit par deux athlètes exceptionnels qui sciemment choisirent la révolte aux honneurs faussés, et changèrent le monde. Tommie Smith : "Dans ce poing brandi très haut, j'avais ramassé toute ma vie. Le poing est devenu immortel, mais la vie est en lambeaux. J'en ai fait le sacrifice."

Je pose ce livre de face sur ma bibliothèque, comme un étendard. Et si je meurs un jour, je veux me souvenir du poing dressé par Smith et Carlos et, venu l'instant dernier, lever le mien.