Wednesday, May 30, 2007

Mémoire de mes putains tristes, Gabriel Garcia Marquez

En lisant Mémoire de mes putains tristes, je me suis rappelé ce qu'écrivait Djian sur la sexualité en littérature. Il a des mots très forts, qui relèvent du manifeste, de la profession de foi. A propos de Henry Miller, il compare l'érotisme ("Pas de cette vulgarité-là. Pas de cette pudeur autrement nauséabonde, qui ravale la sexualité au rang de l'entertainment.") à la pornographie ("Regarder la sexualité en face, et se donner ainsi les moyens d'y comprendre quelque chose (...) passe obligatoirement par la pornographie").
Ce texte de Djian (Ardoise) continue à me fasciner. D'abord parce qu'il prenait la peine de se poser sans peur ni pudeur, sans crainte de choquer mais avec la volonté d'éclairer. Avec un tel style (et donc une telle intelligence), une telle force appuyée sur ses lectures que je ne pouvais que constater la perversion moralisatrice de ma propre culture. L'érotisme comme entertainment ! En tant que lecteur, il m'a ôté la gène de lire Miller. En tant qu'écrivain, la sexualité devenait un vrai sujet.
Mémoire de mes putains trites (quel titre) fait preuve d'un érotisme qui n'a rien à voir avec le clin d'oeil obséquieux craint par Djian.
Le sujet, plutôt limite, est abordé de front, sans complexe : à la veille de ses 90 ans, un homme décide de céder à la tentation toujours refusée de coucher avec une vierge de 14 ans. Et voilà que ce qui aurait dû être libidineux, vulgaire, noyé sous les sous-entendus pervers, ce qui aurait pu n'être qu'une provocation dans l'air du temps, ce qui aurait pucéder à la justification douteuse, à l'excuse du fantasme ou du roman, au bon dos de la métaphore et du symbole, voilà que le texte acquiert en quelques lignes à peine une profondeur humaine qui le place sur un champ bien supérieur.
Le style est d'une élégance qui dépasse l'entreprise de séduction. L'humour glissé avec mesure illustre le caractère des personnages, leurs mots, leurs âmes, c'est un humour qui respecte l'autre. Se dégage au fil du texte court une sensualité gracieuse qui n'a plus rien à voir avec l'entertainment. Qu'un être humain ait créé cela est d'une infinie beauté qui, par ce juste retour des choses propre à l'art, touche au coeur de la nature humaine. A l'heure ou mes travaux tentent d'explorer la sensualité, je me sens enrichi de nouvelles perspectives.

A part ça, n'en déplaise à Franck (cf les voyages littéraires et les petits déjeuners du lundi), ce même Franck qui me fit découvrir Marquez, j'ai beaucoup de mal à entrer dans Les Versets Sataniques, de Rushdie.

Sunday, May 27, 2007

Le Livre Monde - La Maison Russie, John Le Carré

En même temps, une semaine de vacances m'a permis de terminer deux livres que j'avais commencés, dont un il y a plus d'un an, et d'en lire deux autres entièrement. Certes, de petits livres, mais tout de même : je me suis surtout rendu compte qu'au-delà d'une culpabilité très mal placée de ne pas achever la lecture des livres, c'est le temps qui me manquait pour lire.
J'ai besoin d'un contexte, d'une lumière égale de jour en jour, de sons toujours les mêmes, ou plutôt de sonorités identiques, de la même densité de l'air, j'ai besoin pour bien lire de retrouver un univers complet. De m'y installer calmement et de le retrouver toujours au même moment. Ca ressemble à de la monomanie, c'est en fait un monde créé autour de moi et dont les habitants sont les personnages du livre que je lis. Point de bonne lecture qui soit hachée, interrompue toutes les deux pages, débutée au lit, poursuivie une heure plus tard dans le bus, coupée à chaque arrêt, reprise à la hâte entre Saint-George et Montholon, rendue impossible au retour par la foule oppressante des voyageurs, abandonnée une semaine, puis un mois, réouverte par défaut après avoir, vite fait, jeté un livre dans mon sac avant de partir, un matin...
Mes meilleures lectures ont leur âme propre. La Maison Russie, de John Le Carré : assis sur le bord de mon lit chaque matin, retardant le moment où il faudrait vraiment partir au lycée, tirant sur la corde du retard admissible, et l'album de Dee Dee Bridgewater "Victim of Love" et surtout "Precious Thing" et sa mélancolie sans retour, la lumière fraîche d'avril par la fenêtre de ma chambre, la chaleur d'une maison qui s'éveille, le bruissement des préparatifs familiaux de l'autre côté de la porte. Mon isolement, ma résistance à quitter le monde de ces pages et à entrer dans l'extérieur. La silhouette de Katya, l'élégance de Barley m'accompagnent longtemps sur le chemin du lycée, se prolonge pendant les premiers cours. Je me souviens aujourd'hui de ses sensations comme d'une caresse sur mon front. J'ai terminé la lecture mais le livre vit encore près de moi, et ses contours sont nets. J'entends toujours la voix de Barley Scott Blair, et ce n'est pas celle que Sean Connery lui prêta dans l'adaptation au cinéma.

A part ça, tous les livres déposés à la Fnac Velizy sont vendus.

Monday, May 14, 2007

Satori minuscule

Chère K.,

Voilà déjà quelques semaines que je m'interroge : pourquoi est-ce que je n'arrive pas à finir les livres que je commence à lire ? J'ai ai accumulé quelques uns. La Joueuse de Go, dont le style m'avaot pourtant emporté dès les premières lignes. Un joli goût, rond et sec. Impossible d'atteindre les 100 pages. Le Ravissement de Lol V. Stein : un style très pur, puis finalement très chargé, et une histoire qui, derrière sa simplicité et son faible volume de pages, s'encombre beaucoup trop pour moi. Le Braconnier de Dieu, dont la seule mention de la dédicace m'a pourtant immédiatement parlé. Le dernier lu jusqu'au bout est encore Sur la Route. Il a fallu que je me le rappelle pour me convaincre que je sais pourtant aller au bout d'un texte. Que ça m'est arrivén souvent, et que j'ai aimé ça. J'achète trop de livres, je sais que j'ai peu de chances de les terminer, et j'en rachète encore.
Je me posais cette question tandis que je lisais Printemps, Eté, second volume de l'Année Zen par Henri Brunel. Un chapître à propos de son émerveillement à la lecture de La Première Gorgée de Bière. Ce livre laisse la plupart de mes amis gros lecteurs circonspects, voire narquois. Moi, c'est vrai, je le sirote toujours avec plaisir mêlé d'admiration. Depuis mes Histoires Irlandaises, on me reparle de la Première Gorgée de Bière. Prudent je fuis toute comparaison.
Henri Brunel se rappelle que les écrivains ne se lisent pas entre eux. Ils se surveillent. D'avoir surveillé Brunel me soulage soudain.

A part ça, il faudra bientôt que je parle de la terrible difficulté d'entendre ce chef d'oeuvre qu'est l'Imprudence de Bashung.

Thursday, May 03, 2007

Porte-bonheur


Vous allez dire que je radote, ou que je ne vous lâche pas avec ce bouquin. Mais enfin quand même, ce n'est pas comme si rien ne s'était passé entre lui et moi et, je l'espère, entre lui et des gens, quelque part, peut-être.
Toujours est-il que les premiers chiffres viennent de tomber, et qu'à ce jour, dans la seule Fnac où il a été déposé, Histoires jamais entendues dans un pub en Irlande a vendu 13 de ses 20 exemplaires en 15 jours. Soit plus très loin de 1 par jour.
Eh bien c'est pour notre maison une belle victoire, que nous savourons modeste mais vraie. Merci à notre libraire préférée Elodie de Velizy, vous pouvez aller la voir de notre part ! Allez je vous lâche maintenant.