Thursday, February 15, 2007

Les fulgurances de Kerouac - Sur la route

Ca m'avait fait le coup avec Philip Roth. Des pages et des pages d'histoires, et d'un coup une fulgurance. La comparaison s'arrête sûrement là : Roth construit son histoire mot après mot dans une mécanique parfaite, Kerouac laisse venir l'instinct. Mais l'un comme l'autre au détour d'un paragraphe anodin libèrent une fulgurance qui résoud tout. Avec Brautigan, pareil, la dose de poésie en plus.
Les thèmes sur lesquels je bosse actuellement s'enrichiront beaucoup, par exemple, d'un passage de Kerouac comme celui-ci. Les lignes closent le chapître. Phrases courtes. Seul l'essentiel compte. Elles sont coincées sur la page paire, à gauche, comme cachées. Leur sensualité interdit la pleine lumière et leurs mots sont ceux de la fin du jour, quand tout a été dit.

"Dans un gentil silence plein de déférence et de douceur, elle se déshabilla complètement et glissa son corps menu dans les draps, à côté de moi. Il était couleur de muscat. Je vis son malheureux ventre balafré par une césarienne ; ses hanches étaient si étroites que pour avoir un enfant, elle avait dû passer au bistouri. Ses jambes étaient comme des baguettes. Elle ne mesurait que quatre pieds dix. Je lui fis l'amour dans la douceur lasse du matin. Puis, à la façon de deux anges épuisés, désespérément échoués sur un haut fond de Los Angeles, après avoir connu ensemble la chose la plus secrète et la plus voluptueuse de l'existence, nous nous abandonnâmes au sommeil jusqu'à une heure avancée de l'après-midi."

A part ça, quelques pages plus loin, "J'avais un moral d'un million de dollars".

No comments: