Tuesday, April 05, 2011

Au détour d'une table, L'Interrogatoire

Oh la surprise. Et la bonne.

Au détour d'une table de libraire où j'étais venu acheter Aternaissance de Gabriel Osmonde, que vois-je, qui me saute au visage avec son teint jaune de couverture Grasset et sa moustache de nuage blanc comme un premier jour de printemps ? Jacques Chessex. L'Interrogatoire. Un nouveau. Un dernier. "Pour la route", la route ultime, puisque le Suisse Goncourt est décédé.

Je ne m'étais pas tenu au courant, et voilà : découvrir L'Interrogatoire est une vraie surprise. Un jaillissement de vie comme une plaisanterie irrésistible au-delà du morbide. Hop ! direct dans le panier, et je le lirai avant Osmonde.

Comme le rappelle Bernard Morlino sur son blog, ce texte est un témoignage, le livre d’un homme qui en savait trop et qui ne voulait rien nous cacher.

Comme j'aime Chessex ! Son style incroyablement limpide pour aborder la sexualité comme un matador, élégant, imprenable et puissant, définitif et sûr. Le velours noble des mots lorsqu'il s'agit du parfum intime d'une femme. Et quand je dis intime... je dis intime. C'est superbe à chaque fois, juste, ouvragé avec un soin d'esthète, de spécialiste, sans gène ni pudibonderie, mais avec toute la noblesse révérencieuse de l'aveu. Je ne crois pas à la littérature comme mensonge sublime. Je crois en ce qu'elle révèle de plus vrai chez l'homme qui écrit. Et Chessex, bon sang, quelle intelligence de la sensualité lorsqu'il faut fouiller, fouir dans le secret du corps, dans son sexe, lorsqu'il faut parler de la chair, de ses parfums, la palper avec raffinement, et y chercher Dieu.

Ca ne loupe pas, ici encore. La page 18 est un miracle mot après mot. Un miracle. Chessex n'est pas mort, il vit dans le corps de ce texte, plus que jamais. Il me revient alors que j'avais fait mon deuil, et il me revient plus vert encore.

Il y a une subversion à lire cet auteur qui déchire la Suisse puritaine. "Ce n'est que du sexe cradingue", diraient les uns. Erreur, c'est de la littérature. Ou si l'on veut, c'est la même chose. L'auteur de Monsieur ou du lumineux roman L'Economie du Ciel les associe lui-même fondamentalement. Lire Chessex, lire L'Eternel sentit une odeur agréable, c'est faire partie d'un club. C'est être un initié.

J'en ai parlé à Katia (qui d'ailleurs a écrit un très beau récit, en librairies jeudi 7 avril, et que je recommande de toute ma force : Si on te demande tu diras que tu ne sais pas), je lui ai fait lire ce midi même (quel dessert) cette page 18. Et je me suis alors dit à moi-même alors qu'elle savourait le texte : "allez après ça, vas-y donc, écris pour voir".



5 comments:

Unknown said...
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Anonymous said...

Bon je me suis un peu embrouillée avec mes identités numériques en commentant ;-)
C'est drôle que tu parles de Katia Denard car je l'ai justement découverte ce midi sur C+ dans l'Edition spéciale. Elle venait y parler de son livre.

Océane said...

Hasard de découvrir que tu écris (si joliment) sur le livres, aujourd'hui. j'en suis bien heureuse, d'autant que j'ai tourné autour de ce livre hier, encore et encore...

Bertrand Ploquin said...

@Bulles d'info : pas simple de gérer toutes ces identités secrètes de superhéroïnes :) Katia est une amie très proche. Ca fait un moment qu'elle tourne autour de ce livre. Je suis ravi qu'elle ait enfin pu l'aboutir. Tu l'as lu ?

Bertrand Ploquin said...

@Océane, nom de nom j'ai tellement peu l'habitude de recevoir des commentaires sur ce blog que je suis totalement passé à coté du tien, comme de celui de Bulles d'infos. Honte sur moi. Merci en tout cas. Tu as lu L'Interrogatoire depuis ?