Wednesday, November 14, 2007

La vie est ainsi fête, Gérard Oberlé


Avec Quignard, Chessex et quelques autres, Oberlé fait partie des écrivains que j'achète systématiquement, à la rentrée. Je l'ai découvert grâce à la newsletter de Lire, où sa chronique épistolaire à sa filleule Emilie sort du lot. La photo qui l'accompagne, un crâne rasé, regard haut, bravant la fumée chère d'un cigare, me fait plus marrer que les lunettes de travers de Beigbeder : au moins le personnage assume quelque chose. Le style d'Oberlé goulaye, c'est le moins qu'on puisse dire. C'est rond, baroque, un mélange de propos très directs et de tournures volutées. Une déférence surannée, respectueuse de ses lecteurs, pour mieux ne s'encombrer d'aucun détour. Oberlé roule en calèche sur l'autoroute. Ca sent la vie marinée dans la chair. Le résultat sonne.
Dans Itinéraire spiritueux, son précédent ouvrage, il s'en donnait à coeur joie : la nourriture et le vin offrent un champ lexical parfait pour ce type d'écriture. Il est plus que jamais question de mots de bouche, et la ripaille façon Oberlé se savoure sauce grand veneur. J'avais feuilleté un roman, pour voir. Les premières phrases ne m'avaient pas convaincu, mais je n'ai pas jeté l'éponge pour autant : la rentrée 2007 allait m'offrir un nouveau texte. Dont acte : La vie est ainsi fête.
Las ! Ca flaire vite l'arnaque. La photo de couv exploite sournoisement le crâne chauve et le cigare, ça commence à faire marketing, ça ne ressemble plus à la fronde indépendante de l'auteur. Une page suffit pour comprendre que le texte n'est en fait qu'un recueil de chroniques écrites depuis longtemps pour une émission de radio musicale, des historiettes sur les musiciens oubliés, méconnus, le lot commun des petits soldats oubliés du Panthéon musical. Une belle idée, mais le texte n'est pas original. Une compil, en somme. Déçu, je suis déçu.
Le livre traîne sur ma table de nuit. Une chronique par-ci, par là, avant d'éteindre, ça ne coûte rien. Et puis peu à peu la magie opère. Chaque chronique trace une vie, et la vie narrée par Oberlé est un régal. Une perle humaine, agaçante mais vive, émergée des limbes du temps qui passe. Il y est question de poisse, des riens qui flanquent un destin par terre quand tout semblait écrit, il y est question des petites histoires qui font la grande. Il y est question de nous. Nous qui ne sommes pas Mozart ni Beethoven, quelqu'un comme Oberlé nous écoute pourtant. Avec une distance amusée qui n'est qu'affection, compassion, amour finalement. Oberlé est des nôtres, grâce à lui chaque musicien entre dans l'Histoire, et au-delà, chaque être humain aussi. Merci à lui.

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