Un truc que j'aime bien faire, c'est lire debout, devant ma bibliothèque. C'est me laisser absorber pour quelques minutes ou quelques pages, entre deux obligations, en attendant Julie qui arrange ses cheveux juste avant de sortir, ou en attendant des amis qui viendraient dîner. Au hasard de ma bibliothèque, je grapille des pages d'un livre à l'autre, poussé par un souvenir, un goût sur les lèvres. Il s'agit exclusivement de relecture. D'ailleurs, ça m'arrive souvent lorsque je ne sais plus quoi lire et que je cherche un nouveau livre. Aucun ne m'inspire, et vient très vite le besoin d'une ambiance précise et sûre, des pages que je sais bonnes. Je cherche un velouté que je ne trouverai pas dans un livre neuf, alors je le pioche avec précision dans ceux que j'ai déjà lus. Et c'est très bon.
Il y a quelque temps j'ai ouvert un Librio de Brigitte Kernel intitulé "Un été d'écrivains". Je ne me souviens plus quand l'avoir acheté, mais je parcours la liste des auteurs dont il est question et me revient alors, sinon le quand, au moins le pourquoi : Beigbeder, Ravalec, Bruckner, entre autres. Je ne suis pas un inconditionnel de ces auteurs, mais une interview d'eux m'intéressera toujours.
A la fin d'un entretien circonstancié la journaliste égrenne un quiz aux questions toujours semblables. Quand écrivez-vous, agacez-vous votre entourage quand vous écrivez, si vous n'écriviez pas que feriez-vous... Et puis cette éternelle, à laquelle aucune réponse satisfaisante ne m'a jamais été apportée par quelque écrivain que ce soit, je dis bien jamais. Pourquoi écrivez-vous ?
Jamais, parce qu'aucune réponse n'a été la mienne à ce jour. Il y a bien sûr les sages qui disent qu'ils écrivent pour eux, simplement, pas un mot de plus, et je devine ce que cette économie peut receler de matière, d'expérience. De sens. Et peut-être après tout écris-je pour moi finalement. Mais, manque de maturité peut-être, cette réponse ne me sied point.
J'aurais pu délivrer la même énergie pour la musique, par exemple. Mon expérience avec la musique est intéressante car je pense être allé au bout de ce que je pouvais attendre de moi-même. Au-delà aurait été injuste. Vis-à-vis de moi, car j'aurais eu le sentiment de perdre du temps au détriment de quelque chose de plus essentiel. La musique n'est pas ma vie, et d'ailleurs aucune musique ne m'a procuré la même intensité d'émotion et de bonheur que certaines pages de mes auteurs préférés. Aucune jeune chanteuse ne m'émeut comme 3 mots de Mireille Sorgue. Aucun chanteur ne me procure les frissons d'Ardoise ou de L'Economie du ciel, aucun album ne m'emmène aussi loin que L'Adieu au Roi. Cela vaut aussi pour le cinéma. Ma chanson s'écrit davantage qu'elle ne se chante.
Une personne bien intentionnée à laquelle j'avais répondu que j'écrivais parce que c'était probablement ce que je savais faire de mieux m'a répondu non, ce n'est pas pour cela qu'on écrit. On ne choisit pas son art par défaut.
La question ne m'est jamais venue spontanément avant qu'on ne me la pose, à moi ou par l'intermédiaire d'une interview à un écrivain. Pourquoi écris-je bon sang ?
Borgès dit : "J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps", et c'est une phrase magnifique. Ce n'est pas la mienne.
Je pourrais me contenter de rêver que j'écris. Me projeter dans une vie d'écrivain imaginaire, me faire du bien avec cette image comme un enfant qui s'imagine pilote de course ou colleur d'affiche et s'en satisfait pleinement. Mais j'ai franchis le pas par besoin, et quand je n'ai pas été publié par une maison, alors j'ai créé la mienne. Et je continue. L'imaginaire ne suffit plus. Il y a forcément autre chose. Je vois l'écriture comme un pilier de ma vie que la musique n'a jamais représenté. Comme une lame de fond qui me porte. J'y pense avec une autre ampleur, une autre ambition, une autre légèreté aussi. Il s'agit bien d'une autre nourriture, on n'est plus au McDo. La musique est mon big mac. L'écriture me fait saliver autrement. Pourquoi ? J'ai le sentiment qu'il est important d'y répondre.
Mais tout est déjà là : j'écris parce qu'un choc m'a poussé en avant et que ce choc était des lignes noires sur un folio blanc. La poussé première, c'est ma réponse au pourquoi. Il y a quelque chose de foncièrement distinct du choix, sinon de choisir d'accepter plutôt que de refuser.
A part ça, je me réconcilie avec Tillinac grâce aux Boulevards des Maréchaux. Ouf !
Je n'ai pas trouvé de photo de Mireille Sorgue, et je le regrette. Je suis en revanche tombé sur celle-ci de Beigbeder. Enjoy.
Saturday, January 27, 2007
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