Je connais K. par des voies qui auraient dû placer nos rapports sur le plan strict de la cordialité, excluant tout affect. Mais nous avions des points communs comme le cinéma, la littérature, et la fascination pour l'acte créatif. Et en adultes dignes de ce nom, K. et moi avons pris acte des barrières qui devaient théoriquement nous opposer comme d'une mouche au dessus de nos têtes.
Aujourd'hui K. est enceinte. Je ne l'avais pas vue depuis de nombreux mois et, si j'avais eu vent de son état, je n'avais pas cherché à en parler avant elle. Nous ne sommes pas assez proches pour que j'ai pu m'offusquer de son silence, loin s'en faut. Une fête de fin d'année nous a réunis, et son ventre est bien rond. Elle ne le cache pas. Elle reste discrète sur le sujet. Moi, je n'ai pas pu m'empêcher de féliciter cette jeune femme en pleine création. Voici sa réaction.
En soi je trouve très beau ce texte volé à un e-mail, parce que très simple et gorgé de raccourcis qui en disent long sur la qualité de celle qui les a pris. Je trouve les mots de K. d'une maturité assourdissante sur ce que signifie "attendre un enfant". J'y puise une belle matière. Enfin il y a quand même quelques phrases qui font jaillir ce petit bouillon dans la gorge, quand un texte est juste et touchant.
PS. K. est d'origine étrangère, d'où ces charmants dérapages dans le texte. Je les ai laissés tels quels, je sais qu'elle ne m'en tiendra pas rigueur. Ce n'est pas que K. se contre fiche des lacunes sans importance que son origine entraîne, au contraire : elle les assume pleinement.
"Merci pour tous les compliments au sujet de ma grossesse. J’essaie quand même de ne pas faire de ça un sujet de conversation mais c’est parfois difficile de l'éviter. Je ne voudrais pas généraliser, mais après sept mois plongée dans cette histoire, il me semble que les gens aiment parler de ça parce que quelque part ce que tu appelles “le projet” enlève toute différence existante, au moins on décide de le croire. Je pense à “Personne” de Bergman qui fait un point sur le sujet, parce qu’à mon avis la dépression de Marianne est du au fait qu’après avoir autant essayer de se différencier, la maternité l’a fait devenir n’importe qui. C’est pour quoi les gens me demandent partout des choses, ce qui n’était pas le cas avant, parce que sûrement ils pensaient que je n’avais rien à partager avec eux. Il faut dire que même mes voisins me disent bonjour depuis que mon ventre est devenu mon identité. Je me dis que peut-être je suis aussi devenue plus réceptive aux autres, moins renfermée. En tout cas, je suis un peu sur une nuage, inexplicable et au même temps un grand soulagement. C’est la première fois dans ma vie où je ne ressens pas la pression d’avoir à choisir, c’est comme si quelqu’un l’a fait déjà à ta place. Il ne me reste que de porter cette circonstance avec beaucoup de reconnaissance et de confiance."
Tuesday, December 26, 2006
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