Paradoxe, parce que Denis Tillinac diffuse à la fois une résignation mélancolique sur la fin de la civilisation et un enthousiasme limite adolescent.
Dans "Je nous revois..." qui me sert de cahier de vacances (et bien plus) pour cette expérience d'écriture en résidence pornichétine, l'alchimie se vérifie encore. Si ses personnages sont des industriels, artistes ou diplomates revenus de tout, si les femmes sont des drames somptueux, le narrateur n'en demeure pas moins capable de s'enflammer pour un sourire, de s'envoler pour Vienne rejoindre un amour auquel, pourtant, il ne croit plus, de saluer un peintre de ses amis alors que "Picasso selon lui avait mis à mort toute l'histoire de l'art en un carambolage génial" (p. 105).
Ce que j'ai vu de l'homme Tillinac relève du même, pour ce que j'en devine. Un type à l'abord peu engageant, front dur, regard d'acier, carrure de taureau, voix de fumeur qui en a fumé d'autres et des bien pires. Et pourtant : le même homme s'est enthousiasmé quand avec une poignée d'amis nous lui avons présenté un projet de magazine culturel gratuit. Tillinac, patron de la Table Ronde, qui a pris une bonne heure de son temps à nous écouter ("Je n'ai qu'une demi heure, ça ira ?"), et à se projeter, je veux le croire, dans une idée plus grosse que nous qui nous avalerait tout cru.
Voilà ce qui m'accompagne cette semaine et fournit un angle riche à mon travail. Et puis ceci : ce type capable d'ironie, voire de cynisme, s'en empêche, surtout dans ses livres. Un trait d'humour doit être fin, élégant, même avec des mots lourds. Le cynisme lui semble être une impolitesse dont il se garde. J'y vois une grande générosité. Alors même qu'il serait parfaitement capable de glisser davantage d'humour dans son roman, Tillinac assume le premier degré. C'est courageux, et la preuve d'une humanité qui est une leçon. Puissent désormais mes personnages s'autoriser ce premier degré qui les entraîne au bout d'eux-mêmes, et délivrer une humanité aussi chaleureuse. Mes personnages, donc moi. Cela m'apparaît soudain comme ma véritable mission.
Friday, October 13, 2006
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