En lisant Mémoire de mes putains tristes, je me suis rappelé ce qu'écrivait Djian sur la sexualité en littérature. Il a des mots très forts, qui relèvent du manifeste, de la profession de foi. A propos de Henry Miller, il compare l'érotisme ("Pas de cette vulgarité-là. Pas de cette pudeur autrement nauséabonde, qui ravale la sexualité au rang de l'entertainment.") à la pornographie ("Regarder la sexualité en face, et se donner ainsi les moyens d'y comprendre quelque chose (...) passe obligatoirement par la pornographie").
Ce texte de Djian (Ardoise) continue à me fasciner. D'abord parce qu'il prenait la peine de se poser sans peur ni pudeur, sans crainte de choquer mais avec la volonté d'éclairer. Avec un tel style (et donc une telle intelligence), une telle force appuyée sur ses lectures que je ne pouvais que constater la perversion moralisatrice de ma propre culture. L'érotisme comme entertainment ! En tant que lecteur, il m'a ôté la gène de lire Miller. En tant qu'écrivain, la sexualité devenait un vrai sujet.
Mémoire de mes putains trites (quel titre) fait preuve d'un érotisme qui n'a rien à voir avec le clin d'oeil obséquieux craint par Djian.
Le sujet, plutôt limite, est abordé de front, sans complexe : à la veille de ses 90 ans, un homme décide de céder à la tentation toujours refusée de coucher avec une vierge de 14 ans. Et voilà que ce qui aurait dû être libidineux, vulgaire, noyé sous les sous-entendus pervers, ce qui aurait pu n'être qu'une provocation dans l'air du temps, ce qui aurait pucéder à la justification douteuse, à l'excuse du fantasme ou du roman, au bon dos de la métaphore et du symbole, voilà que le texte acquiert en quelques lignes à peine une profondeur humaine qui le place sur un champ bien supérieur.
Le style est d'une élégance qui dépasse l'entreprise de séduction. L'humour glissé avec mesure illustre le caractère des personnages, leurs mots, leurs âmes, c'est un humour qui respecte l'autre. Se dégage au fil du texte court une sensualité gracieuse qui n'a plus rien à voir avec l'entertainment. Qu'un être humain ait créé cela est d'une infinie beauté qui, par ce juste retour des choses propre à l'art, touche au coeur de la nature humaine. A l'heure ou mes travaux tentent d'explorer la sensualité, je me sens enrichi de nouvelles perspectives.
A part ça, n'en déplaise à Franck (cf les voyages littéraires et les petits déjeuners du lundi), ce même Franck qui me fit découvrir Marquez, j'ai beaucoup de mal à entrer dans Les Versets Sataniques, de Rushdie.
Wednesday, May 30, 2007
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1 comment:
Tu me fais penser que ça fait des années que je dois lire Miller. Les lettres d'amour a brenda Venus m'avaient laissé un gout amère ; je devais être trop jeune. C'était il y a 7 ans.
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