Voici les essais de couverture du livre que les éditions Croiser le Faire devraient publier dans les toutes prochaines semaines. Qu'en pensez-vous ?
Saturday, February 24, 2007
Sunday, February 18, 2007
Ardoise, Philippe Djian, et Rester Vivant, Michel Houellebecq
Je discutais avec mon ami L'hareng Goret, qui sortira bien son double album un jour ou l'autre. Il me parlait de l'Illusionniste. Ce film, comme pas mal d'autres, peut finalement révéler plusieurs lectures. Que L'hareng, qui devrait sortir son double album sous peu, y ait vu quelque chose qui m'a échappé m'a soudain donné une meilleure image du film.
Je discutais avec Etienne. Nous parlions d'Ardoise, de Philippe Djian, qui est probablement le livre que je préfère de lui. En le citant, j'ai cru lire dans le regard d'Etienne un accent circonspect. Djian a mauvaise réputation chez les lettrés, c'est vrai. Ca m'a frappé à ce moment-là. J'ai donc décrit à Etienne, pour le convaincre de l'intérêt de cet auteur, sa façon de travailler. "Tout est expliqué dans Ardoise.", a-t-il falu conclure. Toutes les clés pour comprendre l'oeuvre de Djian sont dans Ardoise, qui lui-même est une sacrée porte. Ciselée à merveille, mais c'est une autre histoire.
Quand je pense à Ardoise j'y associe assez systématiquement Rester Vivant, de Houellebecq. C'est dans ce livre, le vrai premier de l'auteur, que tout est expliqué. Tous les détracteurs de Houellebecq devraient le lire, ne serait-ce que pour comprendre comment ils sont tombés dans le piège et mieux affuter leurs armes. Rester Vivant est un manifeste exceptionnel, respecté à la lettre. Les livres qui suivent sont l'argumentation déroulée d'un plan d'action génialement exposé. Une vision implacable, mise en oeuvre pierre après pierre. Là encore, le livre est une clé qui dénoue les nombreux niveaux de lecture de Houellebecq.
Ca peut-être dérangeant, de considérer un livre comme une expérience. L'idéal reste quand même le livre comme pure giclée créative. Une performance inexplicable. Un monde créé rond sans raison, sauf que c'est beau. C'est un peu ce que je lis chez Kerouac, encore une fois.
En même temps, discuter avec un ami d'un livre partagé et aimé pour des raisons différentes, quel bonheur.
Je voudrais tant écrire des livres à plusieurs niveaux de lecture.
A part ça, Microfictions aurait tout pour me séduire, à commencer par un style qui me souffle. C'est le systématisme de la noirceur qui m'en écarte. Je ne suis pas d'accord avec cette vision d'un monde sans appel. Je ne picorerai pas avec un plein plaisir les histoires superbes de Régis Jauffret. Merci à lui de m'en avoir fait prendre conscience.
Je discutais avec Etienne. Nous parlions d'Ardoise, de Philippe Djian, qui est probablement le livre que je préfère de lui. En le citant, j'ai cru lire dans le regard d'Etienne un accent circonspect. Djian a mauvaise réputation chez les lettrés, c'est vrai. Ca m'a frappé à ce moment-là. J'ai donc décrit à Etienne, pour le convaincre de l'intérêt de cet auteur, sa façon de travailler. "Tout est expliqué dans Ardoise.", a-t-il falu conclure. Toutes les clés pour comprendre l'oeuvre de Djian sont dans Ardoise, qui lui-même est une sacrée porte. Ciselée à merveille, mais c'est une autre histoire.
Quand je pense à Ardoise j'y associe assez systématiquement Rester Vivant, de Houellebecq. C'est dans ce livre, le vrai premier de l'auteur, que tout est expliqué. Tous les détracteurs de Houellebecq devraient le lire, ne serait-ce que pour comprendre comment ils sont tombés dans le piège et mieux affuter leurs armes. Rester Vivant est un manifeste exceptionnel, respecté à la lettre. Les livres qui suivent sont l'argumentation déroulée d'un plan d'action génialement exposé. Une vision implacable, mise en oeuvre pierre après pierre. Là encore, le livre est une clé qui dénoue les nombreux niveaux de lecture de Houellebecq.
Ca peut-être dérangeant, de considérer un livre comme une expérience. L'idéal reste quand même le livre comme pure giclée créative. Une performance inexplicable. Un monde créé rond sans raison, sauf que c'est beau. C'est un peu ce que je lis chez Kerouac, encore une fois.
En même temps, discuter avec un ami d'un livre partagé et aimé pour des raisons différentes, quel bonheur.
Je voudrais tant écrire des livres à plusieurs niveaux de lecture.
A part ça, Microfictions aurait tout pour me séduire, à commencer par un style qui me souffle. C'est le systématisme de la noirceur qui m'en écarte. Je ne suis pas d'accord avec cette vision d'un monde sans appel. Je ne picorerai pas avec un plein plaisir les histoires superbes de Régis Jauffret. Merci à lui de m'en avoir fait prendre conscience.
Thursday, February 15, 2007
Les fulgurances de Kerouac - Sur la route
Ca m'avait fait le coup avec Philip Roth. Des pages et des pages d'histoires, et d'un coup une fulgurance. La comparaison s'arrête sûrement là : Roth construit son histoire mot après mot dans une mécanique parfaite, Kerouac laisse venir l'instinct. Mais l'un comme l'autre au détour d'un paragraphe anodin libèrent une fulgurance qui résoud tout. Avec Brautigan, pareil, la dose de poésie en plus.
Les thèmes sur lesquels je bosse actuellement s'enrichiront beaucoup, par exemple, d'un passage de Kerouac comme celui-ci. Les lignes closent le chapître. Phrases courtes. Seul l'essentiel compte. Elles sont coincées sur la page paire, à gauche, comme cachées. Leur sensualité interdit la pleine lumière et leurs mots sont ceux de la fin du jour, quand tout a été dit.
"Dans un gentil silence plein de déférence et de douceur, elle se déshabilla complètement et glissa son corps menu dans les draps, à côté de moi. Il était couleur de muscat. Je vis son malheureux ventre balafré par une césarienne ; ses hanches étaient si étroites que pour avoir un enfant, elle avait dû passer au bistouri. Ses jambes étaient comme des baguettes. Elle ne mesurait que quatre pieds dix. Je lui fis l'amour dans la douceur lasse du matin. Puis, à la façon de deux anges épuisés, désespérément échoués sur un haut fond de Los Angeles, après avoir connu ensemble la chose la plus secrète et la plus voluptueuse de l'existence, nous nous abandonnâmes au sommeil jusqu'à une heure avancée de l'après-midi."
A part ça, quelques pages plus loin, "J'avais un moral d'un million de dollars".
Les thèmes sur lesquels je bosse actuellement s'enrichiront beaucoup, par exemple, d'un passage de Kerouac comme celui-ci. Les lignes closent le chapître. Phrases courtes. Seul l'essentiel compte. Elles sont coincées sur la page paire, à gauche, comme cachées. Leur sensualité interdit la pleine lumière et leurs mots sont ceux de la fin du jour, quand tout a été dit.
"Dans un gentil silence plein de déférence et de douceur, elle se déshabilla complètement et glissa son corps menu dans les draps, à côté de moi. Il était couleur de muscat. Je vis son malheureux ventre balafré par une césarienne ; ses hanches étaient si étroites que pour avoir un enfant, elle avait dû passer au bistouri. Ses jambes étaient comme des baguettes. Elle ne mesurait que quatre pieds dix. Je lui fis l'amour dans la douceur lasse du matin. Puis, à la façon de deux anges épuisés, désespérément échoués sur un haut fond de Los Angeles, après avoir connu ensemble la chose la plus secrète et la plus voluptueuse de l'existence, nous nous abandonnâmes au sommeil jusqu'à une heure avancée de l'après-midi."
A part ça, quelques pages plus loin, "J'avais un moral d'un million de dollars".
Tuesday, February 13, 2007
Sur la route, Jack Kerouac
Sur la route, voici un livre symptomatique : pendant des années j'ai eu honte de ne pas l'avoir lu.
Un peu comme de dire qu'on n'aime pas Hugo parce qu'on n'a pas pu aller au bout des Misérables, en seconde. C'est la faute à Philippe, qui ajoutait toujours "de lapin" après chaque mention du titre. Ca nous faisait bien rire mais le sérieux de l'oeuvre s'en prenait un coup de 12.
J'en connais beaucoup des livres comme ça, que je ne lis pas parce que je ne les ai jamais lus. Me projeter dans un train de banlieue tous les regards braqués sur moi "quoi ? un jeune homme de votre âge qui dit aimer la littérature, ne même pas avoir lu "Sur la route" ?"
Je ne sais plus quel est le déclencheur. Le "résolvant". Arrive un jour où, dans une Fnac, j'ose, allez savoir pourquoi. Ah ! oui, tenez, c'était L'attrape-coeur. Salinger. Mais je venais de lire Ardoise de Philippe Djian et j'étais désormais décomplexé. Il ne faut jamais avoir lu. On ne doit pas davantage. Il y a ce qu'on a lu, et encore. Ce qu'on va lire, peut-être. Surtout : ce que l'on est en train de lire.
Sur la route, donc. Je le pensais moins imposant. Je m'attendais à davantage de sable, de poudre, de fumée. Je m'attendais à des clopes volées aux décapotables par le vent chaud du sud. Je suis assez surpris. Tant mieux.
K. qui est souvent de bon conseil a trouvé ça chiant, Sur la route. Moi aussi du coup, un peu, au début, forcément. Et puis p. 25 "Un gars de l'Ouest, de la race solaire, tel était Dean. Ma tante avait beau me mettre en garde contre les histoires que j'aurais avec lui, j'allais entendre l'appel d'une vie neuve, voir un horizon neuf, me fier à tout ça en pleine jeunesse ; et si je devais avoir quelques ennuis, si même Dean devait ne plus vouloir de moi pour copain, et me laisser tomber, comme il le ferait plus tard, crevant de faim sur un trottoir ou sur un lit d'hôpital, qu'est-ce que cela pouvait me foutre ? J'étais un jeune écrivain et je me sentais pousser des ailes.
Quelque part sur le chemin je savais qu'il y aurait des filles, des visions, tout, quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare."
Nom de dieu.
A part ça je suis tombé sur une chanson de Lavilliers en rentrant tout à l'heure. Un peu obsédé par le livre qui sort bientôt, j'ai été pris d'une bouffée d'euphorie en imaginant que les prochaines histoires jamais entendues quelque part seraient bercées par les chansons aux hanches souples de Lavilliers. A suivre.
Un peu comme de dire qu'on n'aime pas Hugo parce qu'on n'a pas pu aller au bout des Misérables, en seconde. C'est la faute à Philippe, qui ajoutait toujours "de lapin" après chaque mention du titre. Ca nous faisait bien rire mais le sérieux de l'oeuvre s'en prenait un coup de 12.
J'en connais beaucoup des livres comme ça, que je ne lis pas parce que je ne les ai jamais lus. Me projeter dans un train de banlieue tous les regards braqués sur moi "quoi ? un jeune homme de votre âge qui dit aimer la littérature, ne même pas avoir lu "Sur la route" ?"
Je ne sais plus quel est le déclencheur. Le "résolvant". Arrive un jour où, dans une Fnac, j'ose, allez savoir pourquoi. Ah ! oui, tenez, c'était L'attrape-coeur. Salinger. Mais je venais de lire Ardoise de Philippe Djian et j'étais désormais décomplexé. Il ne faut jamais avoir lu. On ne doit pas davantage. Il y a ce qu'on a lu, et encore. Ce qu'on va lire, peut-être. Surtout : ce que l'on est en train de lire.
Sur la route, donc. Je le pensais moins imposant. Je m'attendais à davantage de sable, de poudre, de fumée. Je m'attendais à des clopes volées aux décapotables par le vent chaud du sud. Je suis assez surpris. Tant mieux.
K. qui est souvent de bon conseil a trouvé ça chiant, Sur la route. Moi aussi du coup, un peu, au début, forcément. Et puis p. 25 "Un gars de l'Ouest, de la race solaire, tel était Dean. Ma tante avait beau me mettre en garde contre les histoires que j'aurais avec lui, j'allais entendre l'appel d'une vie neuve, voir un horizon neuf, me fier à tout ça en pleine jeunesse ; et si je devais avoir quelques ennuis, si même Dean devait ne plus vouloir de moi pour copain, et me laisser tomber, comme il le ferait plus tard, crevant de faim sur un trottoir ou sur un lit d'hôpital, qu'est-ce que cela pouvait me foutre ? J'étais un jeune écrivain et je me sentais pousser des ailes.
Quelque part sur le chemin je savais qu'il y aurait des filles, des visions, tout, quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare."
Nom de dieu.
A part ça je suis tombé sur une chanson de Lavilliers en rentrant tout à l'heure. Un peu obsédé par le livre qui sort bientôt, j'ai été pris d'une bouffée d'euphorie en imaginant que les prochaines histoires jamais entendues quelque part seraient bercées par les chansons aux hanches souples de Lavilliers. A suivre.
Saturday, February 10, 2007
Histoires jamais entendues dans un pub en Irlande, la préface
On n’est jamais seul dans un pub irlandais. Il y a toujours le serveur pour vous en raconter une bien bonne, ou une poignée d’habitués, marins à la retraite (mais peut-on être à la retraite de la mer ?) qui partageront toujours leurs histoires fantastiques avec vous, ou encore ce vieux chien mouillé qui vous fera volontiers la conversation pour peu que vous tendiez la main vers son museau.
Le plus souvent, les pubs de Dublin, Galway ou Donegal sont remplis de vos futurs amis. Vous les retrouverez d’une enseigne à l’autre, toujours heureux de vous revoir, toujours ravis que vous leur offriez un whiskey ou une lager. Et puis il y des fées, des leperchauns, des lutins un peu partout, eux aussi viennent se rafraîchir entre gens de bonne compagnie, il suffit de savoir regarder.
Regarder, et surtout écouter ! Car les pubs irlandais ne sont pas qu’affaire de stout. La vraie vie des pubs, ce sont leurs histoires formidables. Celles qu’on y raconte, qu’on s’échange plus volontiers que nos problèmes de bureau, de couple ou de santé, et pour les oublier aussi. La vraie vie des pubs, c’est cette aventure impossible qu’a vécue votre voisin de comptoir. Elle vous intrigue, et il le sait bien. Alors il vous la raconte à vous autant qu’à ses copains, et il en rit avec vous, avec eux, tous ensemble. Et bientôt c’est à votre tour de raconter une histoire. Attention ! Faites-les rêver, faites-leur croire que ce que vous dites est vrai. Car il n’y a d’histoire vraie que d’histoires joliment racontées. Le reste, c’est de la littérature : ça n’a pas sa place au pub.
Voici quelques aventures que m’ont racontées mes copains d’un soir, dans un pub dont j’ai oublié le nom. Le Finnegan‘s ? Le Quiet Dog ? le Crown ? Chez Matthew à Cork ou chez Lady Shannon à Londonderry ? Sincèrement je ne me souviens plus. D’ailleurs, parmi ces récits, lequel était le mien ? Lequel était vrai ?
Quelle importance. C’est maintenant votre tour : racontez nous une belle histoire, et si elle nous fait rêver, on vous paie la tournée. Slainte* !
A votre santé, en irlandais
Le plus souvent, les pubs de Dublin, Galway ou Donegal sont remplis de vos futurs amis. Vous les retrouverez d’une enseigne à l’autre, toujours heureux de vous revoir, toujours ravis que vous leur offriez un whiskey ou une lager. Et puis il y des fées, des leperchauns, des lutins un peu partout, eux aussi viennent se rafraîchir entre gens de bonne compagnie, il suffit de savoir regarder.
Regarder, et surtout écouter ! Car les pubs irlandais ne sont pas qu’affaire de stout. La vraie vie des pubs, ce sont leurs histoires formidables. Celles qu’on y raconte, qu’on s’échange plus volontiers que nos problèmes de bureau, de couple ou de santé, et pour les oublier aussi. La vraie vie des pubs, c’est cette aventure impossible qu’a vécue votre voisin de comptoir. Elle vous intrigue, et il le sait bien. Alors il vous la raconte à vous autant qu’à ses copains, et il en rit avec vous, avec eux, tous ensemble. Et bientôt c’est à votre tour de raconter une histoire. Attention ! Faites-les rêver, faites-leur croire que ce que vous dites est vrai. Car il n’y a d’histoire vraie que d’histoires joliment racontées. Le reste, c’est de la littérature : ça n’a pas sa place au pub.
Voici quelques aventures que m’ont racontées mes copains d’un soir, dans un pub dont j’ai oublié le nom. Le Finnegan‘s ? Le Quiet Dog ? le Crown ? Chez Matthew à Cork ou chez Lady Shannon à Londonderry ? Sincèrement je ne me souviens plus. D’ailleurs, parmi ces récits, lequel était le mien ? Lequel était vrai ?
Quelle importance. C’est maintenant votre tour : racontez nous une belle histoire, et si elle nous fait rêver, on vous paie la tournée. Slainte* !
A votre santé, en irlandais
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