Tuesday, January 30, 2007

Coulé !

Ce soir j'ai reçu mon texte "coulé", c'est-à-dire mis au format du livre à sa taille réelle, tel qu'il sera publié. C'est très émouvant. Il faudra que j'en parle, mais plus tard.
C'est un 10x18 (10 cm de large sur 18 de long), 132 pages avec un joli blanc tournant, je suis extrêmement fier, et surtout euphorique.
Restent encore à gérer deux ou trois détails de couverture, de quatrième de couv, et des petites coquilles à corriger. L'objectif est de fournir un texte d'équerre à l'imprimeur avant le 10 février. C'est parfaitement jouable.
Merci à Nico et Pierre O' pour leur talent, leur patience et leur confiance. Ils m'honorent considérablement.

Saturday, January 27, 2007

La tectonique des lettres

Un truc que j'aime bien faire, c'est lire debout, devant ma bibliothèque. C'est me laisser absorber pour quelques minutes ou quelques pages, entre deux obligations, en attendant Julie qui arrange ses cheveux juste avant de sortir, ou en attendant des amis qui viendraient dîner. Au hasard de ma bibliothèque, je grapille des pages d'un livre à l'autre, poussé par un souvenir, un goût sur les lèvres. Il s'agit exclusivement de relecture. D'ailleurs, ça m'arrive souvent lorsque je ne sais plus quoi lire et que je cherche un nouveau livre. Aucun ne m'inspire, et vient très vite le besoin d'une ambiance précise et sûre, des pages que je sais bonnes. Je cherche un velouté que je ne trouverai pas dans un livre neuf, alors je le pioche avec précision dans ceux que j'ai déjà lus. Et c'est très bon.
Il y a quelque temps j'ai ouvert un Librio de Brigitte Kernel intitulé "Un été d'écrivains". Je ne me souviens plus quand l'avoir acheté, mais je parcours la liste des auteurs dont il est question et me revient alors, sinon le quand, au moins le pourquoi : Beigbeder, Ravalec, Bruckner, entre autres. Je ne suis pas un inconditionnel de ces auteurs, mais une interview d'eux m'intéressera toujours.
A la fin d'un entretien circonstancié la journaliste égrenne un quiz aux questions toujours semblables. Quand écrivez-vous, agacez-vous votre entourage quand vous écrivez, si vous n'écriviez pas que feriez-vous... Et puis cette éternelle, à laquelle aucune réponse satisfaisante ne m'a jamais été apportée par quelque écrivain que ce soit, je dis bien jamais. Pourquoi écrivez-vous ?
Jamais, parce qu'aucune réponse n'a été la mienne à ce jour. Il y a bien sûr les sages qui disent qu'ils écrivent pour eux, simplement, pas un mot de plus, et je devine ce que cette économie peut receler de matière, d'expérience. De sens. Et peut-être après tout écris-je pour moi finalement. Mais, manque de maturité peut-être, cette réponse ne me sied point.
J'aurais pu délivrer la même énergie pour la musique, par exemple. Mon expérience avec la musique est intéressante car je pense être allé au bout de ce que je pouvais attendre de moi-même. Au-delà aurait été injuste. Vis-à-vis de moi, car j'aurais eu le sentiment de perdre du temps au détriment de quelque chose de plus essentiel. La musique n'est pas ma vie, et d'ailleurs aucune musique ne m'a procuré la même intensité d'émotion et de bonheur que certaines pages de mes auteurs préférés. Aucune jeune chanteuse ne m'émeut comme 3 mots de Mireille Sorgue. Aucun chanteur ne me procure les frissons d'Ardoise ou de L'Economie du ciel, aucun album ne m'emmène aussi loin que L'Adieu au Roi. Cela vaut aussi pour le cinéma. Ma chanson s'écrit davantage qu'elle ne se chante.
Une personne bien intentionnée à laquelle j'avais répondu que j'écrivais parce que c'était probablement ce que je savais faire de mieux m'a répondu non, ce n'est pas pour cela qu'on écrit. On ne choisit pas son art par défaut.
La question ne m'est jamais venue spontanément avant qu'on ne me la pose, à moi ou par l'intermédiaire d'une interview à un écrivain. Pourquoi écris-je bon sang ?
Borgès dit : "J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps", et c'est une phrase magnifique. Ce n'est pas la mienne.
Je pourrais me contenter de rêver que j'écris. Me projeter dans une vie d'écrivain imaginaire, me faire du bien avec cette image comme un enfant qui s'imagine pilote de course ou colleur d'affiche et s'en satisfait pleinement. Mais j'ai franchis le pas par besoin, et quand je n'ai pas été publié par une maison, alors j'ai créé la mienne. Et je continue. L'imaginaire ne suffit plus. Il y a forcément autre chose. Je vois l'écriture comme un pilier de ma vie que la musique n'a jamais représenté. Comme une lame de fond qui me porte. J'y pense avec une autre ampleur, une autre ambition, une autre légèreté aussi. Il s'agit bien d'une autre nourriture, on n'est plus au McDo. La musique est mon big mac. L'écriture me fait saliver autrement. Pourquoi ? J'ai le sentiment qu'il est important d'y répondre.
Mais tout est déjà là : j'écris parce qu'un choc m'a poussé en avant et que ce choc était des lignes noires sur un folio blanc. La poussé première, c'est ma réponse au pourquoi. Il y a quelque chose de foncièrement distinct du choix, sinon de choisir d'accepter plutôt que de refuser.
A part ça, je me réconcilie avec Tillinac grâce aux Boulevards des Maréchaux. Ouf !
Je n'ai pas trouvé de photo de Mireille Sorgue, et je le regrette. Je suis en revanche tombé sur celle-ci de Beigbeder. Enjoy.

Monday, January 15, 2007

L'arbre qui sauve la foret

Blogger n'accepte toujours pas les accents circonflexes dans les titres ^^

Il suffit souvent de quelques mots, d'une scène, d'un signe pour que je plonge dans un roman. Cela vaut aussi pour un film, un album ou un concert. Pour tout oeuvre. Une page bien écrite vaut le livre. Ma mère disait cela de Djian.
Pour Les Secrets de la mer rouge, l'assemblage de signes noirs de la page 72, éditions Grasset, me fait basculer entre Levallois - Clichy et Pont Cardinet. Me voici soudain sur une île déserte. Autour de moi, une main fraternelle de marins joyeux chassent des chèvres pour en boire le lait, sous l'oeil bienveillant du capitaine. A lui l'oeil émerveillé par la nature sauvage et sereine. Moi, je flotte dans l'apesanteur suave des lignes apaisées. Tout est calme, la mer bruisse. Le feu rond crépite dans l'âtre de mon oesophage, et sur ma langue, un galet acidulé.
"Il faut avoir traversé ce pays infernal, hérissé de volcans, couvert de lave, battu par un vent furieux, il faut avoir été blanchi de sel par les embruns, séchés à même la peau ; il faut avoir été pénétré par toute l'horreur hostile de cette nature privée de vie où les élémens nus se heutent et se combattent sans trève, il faut avoit senti le peu de choses que nous sommes devant toutes ces forces déchaînées, pour éprouver cette joie de retrouver la Vie."
Alors oui.
A part ça, quelques pas dans la nuit pour rentrer chez moi et voici que mon roman prend un nouvel angle. Ou plutôt : qu'une nouvelle, oblique, ricoche et l'éclabousse, révélant ce nouveaux cristaux. C'est une bonne journée comme il y a du bon pain.

Sunday, January 14, 2007

Terminus Love

Je discutais avec un ami à propos de Henry de Monfreid, justement. Il me dit "Ah Monfreid, j'en emmenais un exemplaire dans mes bagages à chaque fois que je partais en voyage. J'aimais beaucoup. Mais au final c'était quand même un sale type."
J'ignorais. Certes, marchand d'armes, on a trouvé mieux comme profession de foi. Même pour un écrivain. Même en 1930 où le contexte des trafiquants n'était pas le même qu'aujourd'hui. Même avec les meilleures excuses. Reste qu'un type a choisi sa vie, ajoutant ainsi une dimension supplémentaire à ce qui constitue la somme de l'humanité à laquelle chacun de nous appartient, et je veux retenir cela. L'être humain est aussi cela.
Qui plus est, je ne lis pas Monfreid dans le but de savoir s'il est louable d'aller vendre des armes et des perles sur la mer rouge plutôt que de s'occuper de ses enfants. Je lis Monfreid parce que j'aime les écrivains de son époque, les aventuriers et les types qui à trente ans ont choisi de quitter leur Espagne pour mieux atteindre leur Amérique. Et parce que la couverture par Hugo Pratt est belle. Qu'on vienne me dire que Monfreid fut un sale type, sur le coup atténue mon intérêt pour le texte. Plus précisemment, cela le ternit. Mais c'est passager.
Rien ne sert de décrier ce qu'on n'a pas aimé. En citant Monfreid, je parlais de littérature à un fan de Paul Morand. Je ne cherchais pas à établir le classement des écrivains selon leur moralité. Ce qui est en jeu est moins l'oeuvre décriée que nous-mêmes. Et donc que l'humanité que nous contribuons à constituer chaque jour. J'en veux davantage à mon ami d'avoir craché sur Monfreid qu'à Monfreid d'avoir vendu des armes pour payer sa liberté.
Ne jamais ternir les enthousiasmes. A tout prix, transmettre ce que l'on aime.
A part ça, et d'ailleurs, j'ai réécouté Nougaro.

Friday, January 05, 2007

Le choix des ames

Julie vient d'acheter deux livres à la Fnac. Des livres de poche dont je n'avais jamais entendu parler, par leurs titres ni par leurs auteurs. Simplement elle a lu la 4ème de couverture et quelques lignes, les thèmes lui ont plu ainsi que les styles, et roule.
Je me rends compte que je suis très exclusif en matière de lecture. Je prends rarement de risque, comme elle. Elle ose, je dose. Je ne m'aventure que dans des terres consciencieusement évaluées.
C'est que j'attends de mes lectures une intransigeante efficacité. Efficacité sur ce qu'elles m'apportent pour mon travail d'écriture, et efficacité du plaisir. Rien d'antinomique : un livre doit m'emmener, me convaincre, me pousser de l'avant. Je dois en tourner les pages ébouriffé, avec sur la langue le fameux goût de bonbon, rond, que je tète. Le petit feu dans ma gorge doit crépiter. Il faut que je me dise "voilà, c'est ça. C'est bien de ça dont il s'agit". Il y a une urgence, ne pas perdre de temps. Que je mette huit mois à finir un livre ne compte pas. Ce qui va vite, c'est de déceler si le livre m'apportera quelque chose ou pas. En fait, savoir si le livre m'apportera le plaisir que je cherche à transmettre à mon tour. Les livres qui m'ont apporté les plus belles heures sont ceux qui m'ont donné le goût d'écrire. Cette certaine envie du partage. C'est pour cela, je pense, que je vais plus volontiers vers les titres porteurs de promesses au détriment du hasard.
A part ça, j'abandonne Nimier, ses journées de lecture sont puissamment intelligentes mais tout de même un peu chiantes. Je réouvre Henry de Monfreid. Voici une autre vraie belle promesse. Mais les premières pages me déçoivent comme à la première lecture. C'est parce que je me rappelle le Journal d'un Lecteur, de Manguel, que je poursuis. Tout espoir n'est pas perdu, et ce qui fait que j'abandonne un livre ou lui laisse une chance tient à très peu de choses indicibles.

Tuesday, January 02, 2007

Les soleils éteints

Je me suis étonné que mon ami L'hareng Goret et moi soyons si proches étant donné les différences qui composent nos deux bibliothèques. Nous ne lisons pas la même chose, lui ai-je fait remarquer. Lui : Stephen King, Onfray, San A., Hugo, le tout sous le regard de commandeur de l'idôle Ferré. Moi : les hussards, Djian, Schoendoerffer, Quignard, sous les chansons de Nougaro. "J'ai quand même quelques Déon", m'a-t-il répondu. J'ai vu une poignée de livres de poche dans un angle caché. Mes Déon occupent tout un étage de ma bibliothèque, et ils l'occupent seuls. Et c'est l'étage le plus noble. Sur deux rangées. Plus les beaux livres de voyages illustrés. Et les oeuvres préfacées ou communes.
Il y a peut-être une quinzaine de jours a paru un article dans le Monde littéraire sur Déon, au sujet du recueil de certaines de ses oeuvres. Cet article m'a marqué à deux titres :
1/ Josyane Savigneau, qui est un peu Madame le Monde littéraire, ne m'apprend rien, et ne semble rien apprendre elle-même sur l'homme ni même sur l'écrivain. L'interview rabache les mêmes clichés que Déon se traîne depuis ses vingt ans. L'Action Française pendant la guerre ; les Hussards réunis malgré eux sous le prétexte d'aimer les femmes et les voitures de sport, et d'écrire pour le plaisir avant tout ; le scandale des Poneys Sauvages quand le Goncourt lui fut refusé, et la mauvaise foi des détracteurs à sa sortie ; l'engagement politique ; le monarchisme ; l'Irlande et la Grêce. Ca valait la peine. Depuis que je lis des articles sur Déon, je n 'ai jamais rien appris.
2/ Cet acharnement des journalistes à ne rien sortir de neuf sur l'homme ni sur l'écrivain me gène. Ca me gène parce que c'est comme si Déon l'acceptait. Comme si le ronron de ces éternels clichés l'avait vaincu. Comme si le hussard libre et sabreur avait jeté l'épée, mis à terre par la roue lancinante et puissante d'une presse qui se satisfait vite des portraits prémâchés. Même Savigneau.
Et puis j'ai repensé au recueil. Il est précédé d'un commentaire de l'auteur sur le contexte dans lequel fut écrite chacune des oeuvres reprises. Et conclu par une biographie signée de sa fille. Où il est quand même question des prises de position politiques de son père pendant la guerre. Certes le contexte nous empêche de juger, et certes les intentions étaient louables. Mais dire "les intentions étaient louables" revient à dire "il a fait de belles erreurs quand même". A la fin, je ne veux plus l'ignorer.
Alors j'ai repensé à tout ça en une fraction de seconde lorsque L'hareng m'a montré son rayon Déon. Tout s'est synthétisé en une seconde. Un peu amer j'ai dit : "Déon, je m'en éloigne de plus en plus." L'hareng m'a répondu : "Ca me fait pareil avec Ferré".
A part ça, je relis Nimier.

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